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Merci aux poètes et poétesses d’avoir accepté de partager quelques uns de leurs écrits sur cette page.

Les martinets noirs

maîtres du ciel, comme autant de flèches noires

croisant en escadrille d’est en ouest, du nord au sud

au-dessus  des timides hirondelles au vol mou et capricieux,

de toute leur vie, jamais ils ne toucheront  le sol,


infirmes de leurs trop longues ailes effilées

qui les empêcheraient de reprendre leur envol

et les vouent à ne vivre que dans les airs,

où ils s’accoupleront même secrètement

loin des regards, dans de longues nuits d’ivresse 


le soir ils s’élèvent au gré des courants ascensionnels,

en de grandes spirales, à la poursuite  du soleil,


et comme libérés des lois de la pesanteur,

de leur nature terrestre et de leurs peurs,

fils d’Icare enfin tutoyant les Dieux,

ils s’en vont dormir là haut dans les étoiles,

bercés par les pulsations lentes de l’univers

et baignant dans les effluves de la Voie Lactée,

assurés de matins triomphants

                                   et de radieuses aurores


Poème de Jped
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Et s’il…

Et s’il ne reste que le vent qui porte l’ombre de nos éclats de rires d’enfants,

Et s’il ne reste que le fantôme de nos pas foulant la neige de décembre,

Et s’il ne reste que nos regards et nos passions fondus dans l’or du soir,

Et s’il ne reste que le parfum délicat d’une rose nourrie par ce qui fut nos corps,

Et s’il ne reste que la mémoire de nos parents évoquée sous la tonnelle par une chaleur torride d’été, 

Si la délicatesse de nos mères survit dans nos gestes, la force de nos pères nous soutient dans nos détresses, 

Nos âmes dans l’azur égarées pourront évoquer nos voyages, nos errances, nos combats, nos espérances,


Et nous pourrons dire : nous avons vécu, comme des hommes, comme des femmes, 

Pas pour des ambitions stériles, mais ensemble nous avons construit, nous avons cru, nous avons aimé. 


Poème de Gilles Tardy
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D’une saison l’autre

corps inertes, corps noirs
dressés sur des terres blêmes
pendant les mois d’hiver,

visités par les seuls corbeaux
nichant dans les creux des arbres
du bord des routes,

comme dans les paysages glacés
de Bruegel l’Ancien


craquant dans tous leurs plis
au printemps,
d’une sève débordante,

avant le raz de marée
du feuillage étendant ses pampres
au-dessus des  plaines


en un grand océan vert,

d’où naîtront les grappes futures.



Poème de Jped
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Via amatoria

Chemin gorgé du sang de Dieu chemin de croix

où l’Agneau sans péché tous nos péchés expie

chemin de l’abandon où ricane l’impie

chemin où la douleur culmine dans l’effroi

Chemin qui n’a d’égal où la souffrance croît

quand la chair n’est qu’horreur et cruelle charpie

chemin noir où le moindre caillou estropie

chemin où la ténèbre aiguise son martroi

Chemin où les crachats et les cris et les rires

se mêlent aux jurons que les démons inspirent

chemin où les sanglots vont déchirant le ciel

Chemin au bout duquel se dresse le supplice

où attendent les clous le marteau et le fiel

où le Sauveur pour nous se livre en sacrifice


Poème de M. de Saint-Michel
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Dérisoires frontières

Des lignes se propagent
Sur notre mappemonde,
Des seuils, des quadrillages,
Portes vers d’autres mondes.
 
Barrières indifférentes
Qui cloisonnent ou protègent,
Sillons qui s’agrémentent
De hauts sommets de neige,
 
De fleuves indomptables
Enjambant vaillamment
Des limites inviolables,
D’océans véhéments,
 
De mers intérieures
Et multinationales,
De frondeurs lacs majeurs,
Fières eaux magistrales
 
Qui jamais ne s’en tiennent
Aux défenses humaines,
Aux bornes inflexibles,
Aux menaces terribles.
 
Au-delà des grillages,
Ou des fers barbelés
Par delà les usages,
Les peurs amoncelées,
 
Des milliers de langages
Se mêlent ou se côtoient
Et tant de paysages
Librement se déploient…
 
Oh ! Ces cœurs qui espèrent
Chantent un même refrain,
A travers leurs prières,
Cherchent un même chemin !
 
Puissent-ils se déprendre
De fureurs délétères,
A défaut de comprendre,
Accepter qu’ils diffèrent,
 
Se voyant oppresseurs,
Refuser d’asservir,
Au nom de dictateurs
Épris de leur empire…
 
Que les humbles se lèvent
Et prennent le pouvoir
Disent ce qu’est leur sève,
Brandissent leurs espoirs !
 
Qu’ils clament obstinément
Leurs aspirations claires,
Écartent fermement
Le spectre de la guerre.
 
Frontières éphémères
Jalonnant notre histoire,
Frontières nécessaires,
Frontières dérisoires…
 
Et pendant que sur Terre
Bataillent les humains,
Le fléau, lui, prospère
Laissant sans lendemain
 
Le fragile miracle
De notre réceptacle,
Au cœur de l’univers
Se prépare un enfer.


Poème de Esterina
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