Ne demande pas ton chemin …

je me suis perdu
dans les bois de mon enfance,
hors des sentiers battus,
parmi les arbres
             et les broussailles,
en quête de glands,
            de châtaignes,
                          et d’aventure

                       je me suis perdu
dans les impétueux courants
et les tourbillons du gave,
qui m’emportaient vers l’aval
                             et l’inconnu,
ou à travers ses bras morts
aux eaux sombres et malsaines,
         et plus glacées encore

                 je me suis perdu
sur les fleuves de Guyane,
jusqu’au Haut Maroni
et aux rapides de l’Itany,
parmi les dernières tribus
des Indiens Oyana Oyana,
couchant dans leur hamac,
partageant leur kasave
à la sauce de poissons
qui ont macéré au soleil

                 je me suis perdu
parmi les coraux colorés
et les prairies sous-marines
de la côte sous le vent,
à la Guadeloupe,
là où les barracudas pensifs
vous épient, en cercle,
tout au long de vos plongées

                   je me suis perdu
un jour, dans la mer caraïbe,
échoué sur l’île aux oiseaux*,
dormant dans leur fiente
qui recouvrait tout le sable
d’une couche épaisse, fade,
dans le bruit de leurs ailes,
           enveloppé de leur cri

                   je me suis perdu
dans les sables du Sahel,
où les pistes,  ne mènent
nulle part, sauf, parfois,
à quelque ville fantôme,
au bord d’un fleuve à sec

                   je me suis perdu
dans les rizières du Viet Nam,
sur les diguettes,

d’un village entouré de bambous
         à un autre, semblable,
ou d’une pagode à une autre,
toutes muettes et silencieuses

                je me suis perdu
dans les ciels immenses
d’une île perdue sous l’équateur**
naviguant, des nuits entières,
de la Grande Ourse
                     à l’Etoile du Sud


je me suis perdu avec  passion,
je me suis perdu avec bonheur,
je me suis perdu avec désespoir,


je me suis perdu …

          je me suis perdu …

                  je me suis perdu

                         je me suis perdu …

                . . . . . . . .


mais pourquoi as-tu couru ainsi,
sans rime ni raison, sans fin,

dans toutes ces contrées
          et sur tous ces chemins,


pourquoi as-tu erré
            jusqu’à te perdre
                 à travers le monde,

              pourquoi, le sais-tu?


peut-être justement, simplement,

                               pour te perdre … .



* La Isla de Aves
** São Tomé


. « Ne demande jamais ton chemin à celui qui le connaît, tu risquerais de ne pas t’égarer »: phrase de Rabbi Nahman de Bratslav, citée par le peintre Garouste.



Poème de Jped
Lien direct du poème

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *