Quand mon tombeau sera dissous
quand je serai poudre en la poudre
quand le silence épousera
ce qui naguère était ma bouche
je garderai vivants encor
le goût du pain et de l’eau pure
la saveur fraîche de l’espoir
qui monte à l’aube renaissante
Je garderai chaque sentier
battu de pluies ou de vents fauves
qui vit s’avancer mon cœur nu
gonflé du sanglot des étoiles
Je garderai l’odeur des jours
le suc des plantes qui chavirent
et le regard des chiens perdus
et la tiédeur des saisons claires
Je garderai l’oiseau la fleur
l’enfance aux yeux inaccessibles
telle chanson qui va passant
parmi les regrets et les ronces
Je garderai cette douleur
et cette joie et cette chaîne
cette blessure et cette soif
à qui je fus toujours fidèle
Je garderai les voix d’antan
et de l’amour les rouges fièvres
que je suivis sans me lasser
le long des heures désolantes
Je garderai l’or du soleil
qui me brûla et dans mes veines
la douceur secrète d’un sein
où s’épanchèrent mes poèmes
Quand mon tombeau sera dissous
quand je serai poudre en la poudre
je garderai ces feux obscurs
qui me parlèrent du Royaume