L’homme et le renard

Sur le bout des branches perlait un vert si tendre
Que Pâques promettait en cette fin d’hivers
D’achever en couleur, les frimas de décembre
Et de remettre au coeur, des goûts de primevères.
Tout respirait le calme, et les arbres vibraient
De longs rayons bleutés d’une ardente lumière
Qui dessinait au sol, d’une lueur de craie
La dentelle des branches sur le dos des fougères
J’allais en souverain, l’âme et le coeur en paix
Le nez dans les odeurs, un bâton à la main
Ignorant les douleurs du temps qui s’échappait
La forêt me rendait mes vingt ans en chemin.

C’est là que je le vis, la patte ensanglantée
Prise entre les feuilles, dans des mâchoires de fer,
C’était un renard gris, au pelage argenté
Qu’un féroce chemin conduisait en enfer.
Sa robe haletait imperceptiblement
Des frayeurs de la nuit et l’on voyait sans peine
Les tortures infligées impitoyablement
Par des mains sans tendresse et pourtant bien humaines.
Quand il leva les yeux, sur mon être improbable
Je vis dans son regard, toute l’humanité
Qu’on prête au grand nom d’homme* et qui n’est qu’une fable
Quand on voit de nos moeurs la triste vanité.

Un profond dilemme se partageait mon coeur,
Où fuir son agonie, où tarir ses souffrances ?
Par l’impossible choix, j’éprouvais la douleur
De la bête immobile et de mon impuissance.
Je restais là longtemps, à méditer en vain
Sur les tares humaines où résident nos peurs
A nos idées qui glissent comme l’eau sur les mains
Et dont on ne retient que les gouttes des pleurs.
Seigneur pourquoi faut-il tant de grands sentiments
Pour conduire les hommes aux pensées si fragiles
A mépriser la vie la nature et le sang
A se croire essentiels et n’être qu’inutiles.

Le soleil déclinait au souffle de la bête
Elle mourut d’un rayon doux et sanguinaire
Lasse de vains efforts, laissant tomber sa tête
Livrant le poids du monde à tous ses tortionnaires.
Cette délivrance, je la sentis si fort
Que des larmes de joie, de peines et d’amertume
Coulèrent sur mes joues, douces perles de mort
Quand la vie est un joug et les espoirs posthumes.
Dans le doux vent d’avril je repris mon sentier.
Au ciel, des funérailles brûlaient, éclatées,
Comme un dernier hommage au renard argenté,
Mort de l’humain partage entre haine et bonté.

Cannes 2008 Valderoure 2019




Poème de JMAP06
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