La pluie et le soleil

– À T. L.-C. –

La pluie et le soleil,

Les vagues argentées,

Le vent venant fouetter

La plage et les visages

D’un sable aux grains dorés

Lorsque vous repartez,

Le cœur à marée basse,

Emportant ces images

Au fond de vos bagages

La mémoire les grave

Dans l’argile mouillée

De votre âme peinée,

Puis pieusement les classe

Parmi les fines pages

D’un somptueux herbier,

Afin d’en préserver

Les saveurs océanes

Qui viendront éclairer

Les saisons à venir

De tous ces souvenirs

Inspirant vos pensées

La belle verte

Entrer dans la belle verte,

Se plonger avec délice

Dans cette masse liquide ;

Se fondre dans la matrice

D’un abysse originel

Et sous l’émeraude clair

D’une eau vivante et complice,

Admirer le fond d’or pâle

Où vient danser la lumière

Qui sans se lasser dessine

Les résilles qu’un soleil,

Pris dans l’onde aux vagues lisses,

Projette, telle une opale

Dans un chatoiement vermeil,

Sur l’étendue de silice

Chapeaux de paille

– À ma sœur –

Chapeaux de paille légers

Pour s’abriter d’un soleil

Dardant ses rayons brûlants,

Comme à travers des persiennes

Voyez-les orner la tête

D’un grand nombre de passants,

Pour protéger avec zèle

Leur peau, hâlée cependant

Sous l’ombre des bords paillés

Tressés de mille manières,

Des petits points de lumière,

Constellations passagères,

Jouent à travers l’ajouré,

Parsemant sur ces visages

À nos yeux dissimulés,

Des ribambelles d’étoiles,

Éphélides enflammées

Vie et mort d’une cigale

Poursuivant sa singulière

Existence souterraine

Dans l’explosion saisonnière

Des provençales lumières

Elle abandonne aux branchages

Cette mue imaginale,

Indice de son passage,

Pour entrer dans la chorale

Et chercher sa partenaire

Parmi le chœur de ses pairs,

Après avoir célébré

Quelques semaines d’été

Et puis un jour, foudroyée

Par les ardeurs du soleil

Brûlant à son apogée,

Sur la terre où elle est née

On la retrouve, légère,

Déchue d’un trône doré,

Dans les aiguilles tombées

Au pied des pins centenaires