Tout me blesse

Tout m’agresse et tout me blesse,

Mal au cœur et à la tête,

La nausée au bord des lèvres…

Mais qu’avons-nous laissé faire ?

Tout m’agresse et tout me blesse,

Le silence ou l’allégresse,

L’indifférence ou la haine ;

Les ruses politiciennes

Tout m’agresse, tout me blesse ;

Saluerons-nous la prouesse

De s’en nettoyer les mains

Tout en laissant l’impensable

Se reproduire sans fin ?

Tout m’agresse, tout me blesse ;

La fourberie, la bassesse ;

Circulez, y’a rien à voir !

Gardez les yeux dans le noir,

Et la tête dans le sable

Bouchez-vous bien les oreilles ;

Laissez votre âme au vestiaire

Et vos doutes au placard,

N’écoutez plus votre cœur !

Tout m’indigne et tout m’écœure.

Des bombes tombent du ciel

Des bombes tombent du ciel,

La colombe éploie ses ailes

Et choit, touchée en plein vol,

Perles grenat sur le col

Après des mois d’impuissance

De privations, de souffrance,

Ce pacifique symbole

Gît, abattu sur son sol

L’espoir se change en stupeur ;

Long cortège de douleur

Pour accompagner ce deuil :

La valise ou le cercueil

Des bombes tombent du ciel,

La colombe éploie ses ailes

Et choit, touchée en plein cœur,

Trou béant noyé de pleurs.

Neuf mois pour se préparer

Neuf mois qu’ils se préparaient

Sous les yeux du monde entier,

Juste à la barbe et au nez

De groupes d’observateurs

Venus juste constater,

Et de ces commentateurs

Prêts à tout minimiser

Voulant nous persuader

Qu’en s’armant de tolérance

L’on recouvrerait la paix ;

Indifférents à l’enfance

Scandaleusement parquée

Et aux innocents bébés

Ouvrant les yeux sur un monde

Dont les règles sont faussées.

Neuf mois de préparation,

Improbable gestation,

Où l’on regardait ailleurs ;

Quelques paroles, des fleurs,

Pour conjurer le malheur,

Se donnant bonne conscience

Sans se mouiller par ailleurs.

Neuf mois à les provoquer,

Persécuter, affamer ;

Neuf longs mois à nous narguer,

Forts de cette impunité

Leur laissant la liberté

De commettre leurs forfaits

Sans jamais être arrêtés.

N’est-ce pas ce qu’ils voulaient ?

Prendre le pouls de ce monde,

S’avançant toujours plus loin

Puisqu’on ne leur disait rien ;

Mettant un peuple à genoux,

Brebis cernées par des loups,

Avant de le piétiner

À l’heure de la curée.

Et quand il sera trop tard

– À ceux qui ne protestent pas quand ils peuvent le faire… –


Et quand il sera trop tard,

Quand il ne nous restera

Plus que nos yeux pour pleurer,

Que pourrons-nous invoquer ?

Que nous ne le savions pas ?

Que nos journaux préférés

Ou nos chaînes de télé

Ne nous ont pas informés

Ou mal, pourquoi le nier ?

Sujets à peine effleurés,

Avec trop de zones d’ombre

Ou des points de vue biaisés.

Lors, peut-être verrons-nous

Que ces faits dissimulaient,

L’arbre cachant la forêt,

Pots-de-vin et intérêts,

Manœuvres électorales,

Trahissant toute morale

Sous un vernis éhonté

De respectabilité.

Peut-être, encore une fois,

Crierons-nous : « Plus jamais ça ! »,

Décelant les amalgames

Jalonnant ce nouveau drame ;

Ne ressentant pas le poids

De la culpabilité,

Ou tentant de balayer

Nos responsabilités.

Peut-être pleurerons-nous,

De rage ou de repentance,

Devant cette indifférence

Que l’on n’a pas pu briser ;

Peut-être que nos consciences,

Après s’être réveillées,

Éprouveront le regret

De n’avoir su protéger

Cette part d’humanité,

Fondement de l’existence,

Marquant notre appartenance

À un monde évolué.

Haut-Atlas

Haut-Atlas, lieux sinistrés,

Éboulements en cascade,

Gravats de briques cassées

Entassés de tous côtés

Matériaux enchevêtrés,

Ciment, pierres et pisé,

Terres ocres, sable d’or ;

Habitations écroulées

Sur ceux qui dormaient encor

Haut-Atlas, terre éprouvée,

Peuple endeuillé, plaies amères,

Murs qui tombent en poussière,

Villages pulvérisés

Vies réduites à néant

D’infortunés survivants,

Car toujours les gens modestes

Sont frappés plus durement.

Déferlement de dépêches

Provenant du monde entier ;

Programmes humanitaires

Pour acheminer l’entraide,

Cheval de Troyes avancé.

Entre l’offre et la demande

De secours face à l’urgence,

Vient le choix des gouvernants ;

La main tendue de la France

Ne sera pas acceptée.


« La main qui donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit. »