Eternelle Artsakh

– À Amalia –


Ridée comme une pomme elle est là, toute vieille,

La peau parcheminée, tel un abricot sec,

Cuivrée par le soleil, le froid et le grand air

De ses hautes montagnes à la vue sans pareille.

Elle est là qui attend, esseulée sur un banc,

Égarée, incertaine, ne sachant où aller ;

Elle qui était née bien avant qu’un tyran

Vienne leur imposer d’un décret provocant

Ces nouvelles frontières pour mieux les enclaver.

En un siècle de vie elle a tout traversé

Et en a vu passer des saisons et des guerres,

Cultivant sans relâche la terre de ses pères ;

Mais l’épreuve qui vient est la pire peut-être

De ce qu’elle a connu, sans doute la dernière.

Elle est là, grave et digne, tant d’autres avec elle,

Et son cœur est blessé et sa bouche est amère ;

Elle a laissé là-bas son église et sa terre,

Les beaux khatchkars sculptés de dentelles de pierres,

Les tombes d’êtres chers et celles des ancêtres

Qui reposaient enfin dans la paix éternelle.

***

Amalia, la doyenne de l’Artsakh est née à Martakert en 1920.

Après des années de persécutions, sanctions arbitraires, menaces, après des mois de privations élémentaires et d’attaques barbares, elle a été chassée des terres ancestrales où son peuple vivait depuis des millénaires pour se retrouver jetée sur la route de l’exil forcé, comme plus d’une centaine de milliers d’autres civils, femmes, enfants, vieillards, abandonnés de toutes les grandes puissances ou presque…

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