Cosmonaute

La revoilà qui déambule
Hors de la vie et hors du temps,
Tel un fantôme somnambule,
Absente même à son présent.

On la surprend de temps en temps
Accroupie entre deux voitures,
Elle erre sans raison ni but
Engoncée dans la carapace
D’un indissociable anorak
Dont le sillage nous rebute.

Sous la neige ou en plein cagnard,
Emmitouflée sous sa capuche
Derrière les verres opaques
De ses lunettes qui lui cachent
En grande partie la figure,

Le visage impassible
La bouche inexpressive,
Perdue dans une ville
Où elle ne compte pas,
Au cœur d’une existence
Qui ne l’épargne pas,
Elle arpente à pas lents
Notre arrondissement.

Quel est son âge ou son nom ?
Hermétique telle une huître,
Enfermée dans son mutisme
Elle ne laisse pas d’indice,
Mais parfois perd la raison.

Une fille, qui l’évoquait,
L’a appelée « Cosmonaute »,
Tant elle semblait protégée
Par cette combinaison
Adaptée à la survie
En lieux inhospitaliers.

C’est ce surnom qu’il me reste
Tandis que je pense à elle,
Ainsi qu’à toutes les autres
Qui vivent en permanence
Un terrible état d’urgence
Et qui bien souvent se taisent ;

Celles qui luttent âprement,
Pour se nourrir, se laver,
Pour se vêtir, se soigner,
Dormir en sécurité,
Et qui doivent se terrer
Pour échapper aux dangers
De la nuit et de l’hiver,

Celles qui voudraient cacher
L’inavouable calvaire,
Tâchant de dissimuler
Leur furtive silhouette
Dans une foule anonyme,

Méritent bien notre estime
Et cette main que l’on tend
Pour les aider si possible
Par des gestes même infimes
À sortir de cet abîme
Où elles se trouvent à présent.

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