Pourquoi écrire

Pourquoi écrire ?
Pour s’interrompre et réfléchir,
Pour évoquer des souvenirs,
Se projeter dans l’avenir…

Pourquoi écrire ?
Pour exprimer tout bas
Ce que l’on n’ose dire,
Ce que l’on a aimé
Ce que l’on a compris
Ce que l’on veut changer,
Pour colorer sa vie
Dans une autre nuance
Que celle que l’on a
Entrevue jusqu’ici.

Pourquoi écrire ?
Sans doute pour être lu,
Échanger des émotions,
Permettre à des amis
Ou à des inconnus
D’entrer dans un récit
Et, après immersion
Les retrouver émus,
Étonnés et grandis,
Avec plus d’assurance
Plus de confiance aussi,
Avec des certitudes
Ou des questionnements,
Des envies d’écriture
Ou de marche au grand vent…

Pourquoi écrire ?
Pour se plonger dans des histoires
Que l’on se racontait enfant,
Pour s’imprégner de la musique
Des mots rimés, des sentiments,
Pour respirer sur le papier
Des parfums de voyages,
S’émerveiller de paysages
Que l’on n’aurait pas regardés
Si l’on ne s’était pas plongé
De toute son âme dedans.

Pourquoi écrire ?
Pour savourer l’instant présent
En prolongeant un peu le temps,
Tâcher d’avancer pas à pas
Et inspirer d’autres que soi.

Pourquoi écrire ?
Pour ne rien oublier
De ce que l’on a vécu,
Pour continuer à vivre
Quand tout se sera tu.
Au travers de ces textes,
Partager et transmettre
En laissant une trace
Comme simple héritage
À notre descendance,
Ou pour tendre la main
À celui ou à celle
Qui nous lira demain,
Et cherchera sa place
Au milieu des humains.

Cosmonaute

La revoilà qui déambule
Hors de la vie et hors du temps,
Tel un fantôme somnambule,
Absente même à son présent.

On la surprend de temps en temps
Accroupie entre deux voitures,
Elle erre sans raison ni but
Engoncée dans la carapace
D’un indissociable anorak
Dont le sillage nous rebute.

Sous la neige ou en plein cagnard,
Emmitouflée sous sa capuche
Derrière les verres opaques
De ses lunettes qui lui cachent
En grande partie la figure,

Le visage impassible
La bouche inexpressive,
Perdue dans une ville
Où elle ne compte pas,
Au cœur d’une existence
Qui ne l’épargne pas,
Elle arpente à pas lents
Notre arrondissement.

Quel est son âge ou son nom ?
Hermétique telle une huître,
Enfermée dans son mutisme
Elle ne laisse pas d’indice,
Mais parfois perd la raison.

Une fille, qui l’évoquait,
L’a appelée « Cosmonaute »,
Tant elle semblait protégée
Par cette combinaison
Adaptée à la survie
En lieux inhospitaliers.

C’est ce surnom qu’il me reste
Tandis que je pense à elle,
Ainsi qu’à toutes les autres
Qui vivent en permanence
Un terrible état d’urgence
Et qui bien souvent se taisent ;

Celles qui luttent âprement,
Pour se nourrir, se laver,
Pour se vêtir, se soigner,
Dormir en sécurité,
Et qui doivent se terrer
Pour échapper aux dangers
De la nuit et de l’hiver,

Celles qui voudraient cacher
L’inavouable calvaire,
Tâchant de dissimuler
Leur furtive silhouette
Dans une foule anonyme,

Méritent bien notre estime
Et cette main que l’on tend
Pour les aider si possible
Par des gestes même infimes
À sortir de cet abîme
Où elles se trouvent à présent.

Ta peine

– À ma mère –

Je voulais alléger ta peine,

Adoucir un peu ton chagrin,

Être là pour t’accompagner

Quand retentirait le mot « fin » ;

Mais tu es seule à affronter

L’abîme absolu de l’absence

Toute seule avec ta souffrance

Dans un douloureux tête-à-tête,

Le dernier permis sur la Terre

Dans ce corps et pour cette vie,

Ultime et poignante entrevue,

Avant le saut dans l’infini

Que nous ferons l’instant venu.

C’est le moment de démêler

Les déceptions et les rancœurs

Que l’on porte comme une croix

Qui saigne au plus profond de soi ;

S’alléger la tête et le cœur,

Renoncer à toutes ses peurs,

Remettre à zéro les compteurs

Pour être en paix avec soi-même

Et ceux qui nous ont élevé

Pendant une vie tout entière,

Mais qu’il faut laisser s’en aller

Quand la dernière heure a sonné

Malgré la peine et les regrets

Qui ressurgissent sans arrêt,

Ce terrassant vide intérieur

Qui nous accable désormais,

Nous ayant laminé le cœur

Tel un immense mascaret

Déferlant sur notre existence

Où l’on doit pourtant se pencher

Pour protéger ce qui a fait

L’adulte né de cette enfance

Afin d’en comprendre l’essence

Et toute la fragilité,

Pour en préserver les beautés,

Puisque la vie est une chance

Et que ce temps nous est donné.


26 décembre 2010 / 20 juillet 2023

La peste brune

Je la sens là, tapie dans l’ombre
À chaque instant, chaque seconde
Attendant le moment propice
Où ses misérables complices
Lui aménageront le monde.

Je la sens froide et implacable,
Chargée de haine, puante et flasque.
Ne croyez pas que j’affabule,
Dissimulant ses tentacules
Elle est bien là, la bête immonde ;

Surgie avant que l’on y pense,
Multipliant les apparences,
Prête même à prendre des risques
Afin de mieux brouiller les pistes
Quitte à laisser tomber le masque
Dès qu’elle se croit invulnérable.

Leurre

Croyaient-ils vraiment
En une guerre éclair ?
Croyaient-ils qu’il faudrait
Un seul jour pour la faire ?
Croyaient-ils que Saddam
Était assez cinglé
Pour laisser tous ses œufs
Dans un même panier ?

Quel triomphalisme
Par trop prématuré,
Quelle naïveté
De la part d’un pays
Qui se croit détenteur
Des plus nobles valeurs
Et se veut justicier…
Dans un monde où la paix
Est sans cesse bradée
Au profit d’intérêts
Plus ou moins justifiés.

Mais prend-on bien en compte
L’ensemble des données ?
A-t-on tout oublié
Des inégalités
que nos propres excès
Ont pu favoriser ?!

Si l’Amérique croit
Quelle sortira grandie
De ce triste conflit
Où l’immaturité
Se heurte à la bêtise…
Les semaines à venir
Risquent de se charger
De la faire déchanter.

Je garde la hantise
De cette cruauté
Qui va se réveiller…