Ferme les yeux, petit

– 24 avril 1915 –
 
Ferme les yeux, petit,
Il y a des récits
Plus glaçants que des cris
Et beaucoup trop d’horreurs
Qui font saigner le cœur
 
Ferme les yeux, petit,
Pour ne pas regarder
Ce qu’ont dû endurer
Ces hommes et ces femmes,
Ces enfants, ces bébés
 
Ferme les yeux, petit,
Ce qui est innommable
Ne peut recommencer ;
On a tourné la page,
Le livre est refermé.
 
Ouvre les yeux, petit,
C’est le sang de ce peuple
Qui coule dans tes veines,
C’est le sang de tes sœurs
Qui rougit la rivière
 
Ouvre les yeux, petit,
DZer tatik yev mayrik,
DZer papik yev hayrik *
Ont fait partie peut-être
De ce million d’ancêtres
 
Ouvre les yeux, petit,
Sur les photos d’archives
Du premier génocide,
Car hélas les coupables
Ont « perdu la mémoire »
 
Ouvre les yeux, petit,
Les années ont passé
Mais tu es toujours là ;
Ton drapeau pour flotter
A besoin de tes bras
 
Ouvre les yeux, petit,
Il n’y a pas de paix.
L’histoire se répète
À deux pas des frontières
Que l’on vous a laissées…

                                                                          * Ta grand-mère et ta mère,
                                                                             Ton grand-père et ton père


« 24 avril 1915 » Encre de Chine sur papier – 12 x 21 cm
Croquis du peintre Hovhannès Haroutiounian

Il paraît que c’est l’Avent

Il paraît que c’est l’Avent ;
Des boutiques féériques
Rivalisent d’ornements,
Et d’élégantes toilettes
Se constellent de paillettes
Pour attirer le chaland.
Des gourmandises s’affichent
Sur les murs, les magazines…
Tous ces mets appétissants
Qui s’étalent en vitrine
Font saliver les passants.
 
 
Il paraît que c’est l’Avent ;
L’on se presse et l’on s’affaire,
Beaucoup de stress et des grèves,
C’est un peu dans l’air du temps,
Pour chercher ce qui va plaire
Aux enfants, petits ou grands…
Les guirlandes aux fenêtres
Clignotent obstinément
Et les pauvres conifères
S’entassent piteusement
Sur le trottoir des marchands.
 
 
Il paraît que c’est l’Avent.
Trop de gens assurément,
Sans emploi, sans domicile,
Vivent dans le dénuement ;
Et circulent les errants,
Main tendue et ventre vide,
Tandis que le froid s’infiltre
Sous leurs maigres vêtements…
Peut-on vraiment se réjouir
Quand nos appétits conduisent
À tant d’actes aberrants ?
 
 
Il paraît que c’est l’Avent.
Les magasins sont en fête ;
Tout se vend et tout s’achète
Sauf ce qui compte vraiment.
Prenons-nous encor le temps
De penser différemment,
Ou avons-nous renoncé
À notre discernement ?
 
Où est l’esprit de Noël
Qui le rendait si charmant ?

Tous ces morts

À quoi servent tous ces morts
Que chaque année l’on honore
Si ce n’est à raviver
Les faits d’armes du passé ?
Les combats de nos aînés,
Qu’ils soient glorieux ou pas,
Ont façonné notre histoire
Avec tous ses aléas.

À quoi servent tous ces corps
Qui sous terre dorment encor ?
Ils restent dans nos mémoires
Parce qu’ils ont sacrifié
Leur jeunesse pour sauver
Leur pays, ou redonner
Le goût de la liberté
À ceux qui étaient privés
De cette nécessité.

Ils sont là pour nous guider
Vers plus de sagacité,
Sur les rives de la paix ;
Mais aussi, par leur exemple,
Encourager il me semble
À aimer et protéger
Les êtres qui nous sont chers,
Les valeurs auxquelles on tient,

L’idée de ce qu’il faut faire
Quand on est un être humain
Pour devenir ce que l’on nomme
Avec du respect : Un Homme.

L’énergie de la vie

L’énergie de la vie
Entre ses bras t’emporte,
À tout moment t’escorte,
Te pousse jusqu’ici ;
 
Te tire par la manche
Et te prend par la main,
Révélant l’être humain
Au-delà des nuits blanches
Rythmant le quotidien.
 
L’énergie de la vie
S’invite dans ta danse
Et te réconcilie
Avec ton existence
Ce qui n’a pas de prix ;
 
Sincère et indomptée
Elle pimente ta vie,
Apaise tes chagrins,
Et t’aide à surmonter
Sans penser à demain
L’épreuve d’aujourd’hui.

Pose ta pierre

Pose ta pierre près de l’allée
Et peut-être qu’un jour quelqu’un
Pourra venir s’y reposer
Pour mieux poursuivre son chemin
 
Plante un arbuste de tes mains
Pour méditer sous son feuillage
Et peut-être qu’un jour quelqu’un
Viendra dormir sous son ombrage
 
Sème des graines au potager
Pour que quelqu’un dans le besoin
Puisse venir s’y restaurer
Sans avoir à tendre la main
 
Plante des fleurs en ton jardin
Pour embellir le quotidien ;
Il y aura toujours quelqu’un
Pour venir humer leur parfum
 
Cultive l’amour en ton sein,
Ne remets pas au lendemain,
Pour que ceux qui sont assoiffés
Puissent venir s’y ressourcer.