Pour l’Artsakh 

Je plaide pour l’Artsakh, cette terre arménienne,
Qui lutte vaillamment depuis bien trop de temps,
Payant un lourd tribut en dignes vies humaines
Des bergers isolés aux soldats méritants
 
Je tremble pour l’Artsakh, notre alliée pourtant,
Cédée par un tyran à la fin d’une guerre
Pour quels sombres desseins, quel odieux stratagème,
Présageant des tempêtes dans les siècles suivants
 
Je pleure pour l’Artsakh, courageuse et rebelle,
Offerte à ceux-là même qui ont fait tant de mal ;
Saccageant ses églises fièrement édifiées
Et ses khatchkars témoins d’un glorieux passé
 
Je souffre pour l’Artsakh, dont on nie les frontières,
Détruisant en ces lieux des pans de notre Histoire
Pour rayer de la carte, en toute impunité,
Un peuple généreux aspirant à la paix.

Si douce Arménie

Que deviendras-tu, si douce Arménie,
Face à tous ceux qui n’ont plus l’alibi
Des crimes d’hier pour ceux d’aujourd’hui ;
Tant de lignes rouges ont été franchies
 
Que deviendras-tu, si douce Arménie,
Menacée sans fin par l’hégémonie
De puissants voisins, maîtres du déni,
Bafouant les lois sans être punis
 
Que deviendras-tu, si douce Arménie,
Prise dans l’étau de ces trois pays
Rêvant de t’attirer dans leur giron ;
Comme si ta terre n’avait pas de nom
 
Que deviendras-tu, si douce Arménie,
Dans ce siècle fou aux esprits soumis
Si tant de nations prétendues amies
N’ont pour toute éthique que leurs seuls profits
 
Que retenons-nous, si douce Arménie,
De ces millénaires d’Histoire sculptés
Dans ces belles pierres partout érigées,
Superbes vestiges d’une identité
Préservée au prix de combien de vies ?

La machine à broyer 

Nous ne sommes pas des machines
Nous ne sommes pas des robots
Nous ne sommes pas des clones,
Des objets, des numéros ;
Utilisables, manipulables,
Corvéables, interchangeables,
Désactivables puis jetables ;
Des moutons bêlant en troupeaux
Prêts à suivre le « plus savant »
Ou à écouter le « plus beau »,
Sans s’interroger plus avant ;
 
Nous sommes pris dans cet étau
Qui nous broie lentement les os
En plus qu’il nous infantilise,
Nous abêtit, nous paralyse,
Nous lave sans fin le cerveau,
Nous conditionne sans remords,
Pour mieux accepter notre sort
Et applaudir encor plus fort
À l’apparition du « héros »,
Fût-il même notre bourreau !
 
Avons-nous perdu à ce point
La dignité, le sens commun
Qui faisaient de nous des humains ?
Comment avons-nous pu tomber
Aussi bas sans réaliser
Qu’il ne fallait pas se risquer
Aux jeux des apprentis sorciers ?

Se peut-il que vous en doutiez ?

Quarante-quatre jours et bien plus…

Mais après la stupeur de ces mois de chaos,

Ces jeunes sacrifiés dans la force de l’âge,

Ces tombes alignées, la souffrance en écho,

Ces êtres arrachés à leur terre natale,

Ces foyers dévastés, ces prisonniers-otages,

Ces lieux de chrétienté, mêlés aux paysages,

Laissés à l’ennemi par la force des armes ;

Comme si l’on pouvait abandonner son âme

Sans nourrir la colère et le ressentiment

Qui referont surface quand viendra le moment

Tous ces points épineux qui ne sont pas réglés ;

Ces agressions sans fin que l’on ne peut nier ;

Ces intérêts mesquins des nations alliées…

Peut-on continuer à faire comme si

Rien ne s’était passé au sein de l’Arménie ?

Je garde au fond du cœur, lancinante et amère,

Cette douleur secrète qui ne peut s’estomper ;

Comme une plaie qui saigne ne peut cicatriser

Dès lors que l’on revient toujours la raviver.

Deux-mille-vingt-deux

Deux-mille-vingt-deux ;

L’on s’attendait à mieux en ce début d’année.

Est-ce la poudre aux yeux, jetée en quantité

Par nos « grands » dirigeants, qui aveugle les gens ?

Où se sont égarées nos valeurs élevées

Inscrites dans le marbre par d’illustres aînés ?

Notre belle devise serait-elle oubliée ?

Et tous nos frontispices seront-ils saccagés

En burinant ces lettres, à la feuille dorées,

Que nos prédécesseurs se sont donné pour nous

La peine de sculpter ?

À présent qui dit mieux ?

Dans cette surenchère de moyens déployés

Comment ne pas comprendre que l’on nous a trompés ;

Et qui va empocher ces profits insensés ?

Un pays qu’on abat, un peuple que l’on nie,

Des milliards dépensés qui sont pure folie…

Où étaient-ils cachés quand certains réclamaient

Juste de quoi manger et vivre dignement,

Ou de quoi travailler avec humanité,

Dans les règles de l’art et le respect des gens ?

Où sont donc ces élus censés nous protéger,

Non de la maladie, mais de lois insensées ;

Et tous ces garde-fous, toutes ces assemblées,

Tous ces conseils de « sages » censés être garants

De l’impartialité des décrets que l’on prend ?

Bon sens et probité, cela n’est plus de mise ;

En les laissant agir si longtemps à leur guise,

Nous leur avons donné les clefs de la nation

Mais, par leur déshonneur, quand viendra le moment,

Ils se verront jugés pour haute trahison.