L’Artsakh est à vous

– Aux Arméniens et à tous les défenseurs du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes… – 

Արցախը ձերն է:

Artsakhè dzern e*


– Հայերին և ժողովուրդների ինքնորոշման իրավունքի բոլոր պաշտպաններին – 


Ainsi nous abandonnerions

Toute une région aux rapaces ;

Sans réagir nous laisserions

Vos khatchkars** à des charognards ?

Quelle est cette coalition

Qui fait la pluie et le beau temps

Au mépris d’un peuple existant

La protégeant avec passion ?


Pourquoi leur céder vos montagnes

Peuplées de l’ombre des absents,

Vos lieux saints et vos cimetières

Où dorment les corps de vos pères

Et ceux de vos chers descendants ?

Vos fidayin*** n’ont pas donné

Leur vie pour ces forêts, ces pierres,

Ces églises, ces monastères,

Cette terre pétrie de foi,

Pour que d’incultes prétendants

Viennent profaner votre croix !


Où sont passées les grandes voix

Des tribuns qui plaidaient hier,

Se dressant courageusement

Pour dénoncer sans concession

Tout ce qui heurtait la raison ?

Y aurait-il des Clemenceau,

Anatole France ou Jaurès,

Pour reprendre ce fier flambeau,

Se faisant le puissant écho

De ce qui nous choque et nous blesse ?

Il faut que les nations qui méritent ce nom

Agissent sans tarder contre cette oppression ;

Que cesse ce chantage infâme,

Que soient libérés ces otages

Qui croupissent dans des prisons,

Sans droits ni considération,

Et que vos terres ancestrales

Soient restituées pour de bon.


* Traduction du titre en arménien

** Spécificité de l’art arménien, le khatchkar, (en arménien խաչքար, « pierre à croix ») est une stèle sculptée de forme arquée ou rectangulaire très travaillée.

Ces œuvres monumentales, mesurant généralement d’1,5 à 2 m de hauteur, de 0,5 à 1,5 m de largeur et de 10 à 30 cm d’épaisseur, sont sculptées d’une ou de plusieurs croix accompagnées d’un décor ornemental très raffiné.

*** fidayin, fedayin ou fédaïs. Résistants arméniens :

Civils volontaires, menant une lutte armée à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle en réaction aux massacres de masse de la population arménienne et aux pillages de leurs villages par des criminels, des forces tribales kurdes et des gardes hamidiennes, pendant le règne d’Abdülhamid II.

Rendez-vous près de Komitas

Rendez-vous près de Komitas,
Sur l’allée verte aux pâquerettes,
Non loin des arbres, des oiseaux,
De la Seine et de ses bateaux ;
 
Une scène presque champêtre,
Avec ses branches de lilas,
Et les fleurs déposées en gerbes
Pour cet anniversaire-là.
 
Des marronniers roses et blancs,
Un monument intimidant
Où l’un des témoins de ce temps,
Visage grave et cœur brisé
 
Porte le souvenir glaçant
D’une extrême inhumanité
Que nul ne pourrait endurer
Sans d’irréversibles séquelles.
 
Ce grand homme debout qui marche,
La tête auréolée de ciel
Guide son peuple supplicié
Vers la lumière de son Père.
 
La voyez-vous au loin briller ?
 
 

Pour l’Artsakh 

Je plaide pour l’Artsakh, cette terre arménienne,
Qui lutte vaillamment depuis bien trop de temps,
Payant un lourd tribut en dignes vies humaines
Des bergers isolés aux soldats méritants
 
Je tremble pour l’Artsakh, notre alliée pourtant,
Cédée par un tyran à la fin d’une guerre
Pour quels sombres desseins, quel odieux stratagème,
Présageant des tempêtes dans les siècles suivants
 
Je pleure pour l’Artsakh, courageuse et rebelle,
Offerte à ceux-là même qui ont fait tant de mal ;
Saccageant ses églises fièrement édifiées
Et ses khatchkars témoins d’un glorieux passé
 
Je souffre pour l’Artsakh, dont on nie les frontières,
Détruisant en ces lieux des pans de notre Histoire
Pour rayer de la carte, en toute impunité,
Un peuple généreux aspirant à la paix.

Si douce Arménie

Que deviendras-tu, si douce Arménie,
Face à tous ceux qui n’ont plus l’alibi
Des crimes d’hier pour ceux d’aujourd’hui ;
Tant de lignes rouges ont été franchies
 
Que deviendras-tu, si douce Arménie,
Menacée sans fin par l’hégémonie
De puissants voisins, maîtres du déni,
Bafouant les lois sans être punis
 
Que deviendras-tu, si douce Arménie,
Prise dans l’étau de ces trois pays
Rêvant de t’attirer dans leur giron ;
Comme si ta terre n’avait pas de nom
 
Que deviendras-tu, si douce Arménie,
Dans ce siècle fou aux esprits soumis
Si tant de nations prétendues amies
N’ont pour toute éthique que leurs seuls profits
 
Que retenons-nous, si douce Arménie,
De ces millénaires d’Histoire sculptés
Dans ces belles pierres partout érigées,
Superbes vestiges d’une identité
Préservée au prix de combien de vies ?

La machine à broyer 

Nous ne sommes pas des machines
Nous ne sommes pas des robots
Nous ne sommes pas des clones,
Des objets, des numéros ;
Utilisables, manipulables,
Corvéables, interchangeables,
Désactivables puis jetables ;
Des moutons bêlant en troupeaux
Prêts à suivre le « plus savant »
Ou à écouter le « plus beau »,
Sans s’interroger plus avant ;
 
Nous sommes pris dans cet étau
Qui nous broie lentement les os
En plus qu’il nous infantilise,
Nous abêtit, nous paralyse,
Nous lave sans fin le cerveau,
Nous conditionne sans remords,
Pour mieux accepter notre sort
Et applaudir encor plus fort
À l’apparition du « héros »,
Fût-il même notre bourreau !
 
Avons-nous perdu à ce point
La dignité, le sens commun
Qui faisaient de nous des humains ?
Comment avons-nous pu tomber
Aussi bas sans réaliser
Qu’il ne fallait pas se risquer
Aux jeux des apprentis sorciers ?

Se peut-il que vous en doutiez ?