Le regard de Karen

– Hommage à Karen P. et à toutes les victimes de la cruauté humaine
Qu’elles reposent en paix.


Le regard de Karen s’est agrippé à moi
Regard d’homme traqué
Regard chargé d’effroi
 
Le regard de Karen s’est infiltré en moi
Regard d’homme blessé
Qui ne me quitte pas
 
Le regard de Karen s’est fiché dans mon cœur
Regard d’un innocent
Face à ses agresseurs
 
Le regard de Karen est celui de l’agneau
Qui de même qu’Ilan
A croisé ses bourreaux
 
Le regard de Karen est l’accablante preuve
De l’inhumanité
De tous ces prédateurs
 
Le regard de Karen reflète cet enfer
Que des âmes damnées
Ont lâché sur la Terre
 
Hyènes chargées de haine étalant leur noirceur
Filmant leur lâcheté
Pour comble de l’horreur.

Ombres noires

Ombres noires et sinistres
Qui s’abattent sur la ville,
À coup de claquements d’ailes,
De cris lugubres qui percent
Nos oreilles trop sensibles
 
C’est le retour des Corneilles
Qui envahissent le ciel
Plombé comme avant l’orage,
Alourdi par la menace
De ce mal qui nous gangrène.
 
Avec leurs plumes d’ébène
Et leur regard obsidienne
Chargé d’ondes délétères ;
Changeant d’un coup l’atmosphère
Qui se voile des ténèbres
 
D’une oppressante présence
Qu’Hitchcock ne renierait pas,
Les oiseaux noirs se rassemblent
Dans une macabre danse
Comme sorcière en sabbat.

J’attendais

J’attendais, impatiente, que le monde s’éveille
De sa sourde torpeur et veuille se lever,
J’attendais quelque signe qui vienne confirmer
Que ma longue prière n’avait pas été vaine.
J’attendais que le fort protège le plus faible
Et que nos dirigeants soient des plus exemplaires…
 
Mais quelle longue attente pour tous ceux qui espèrent
Que des pays amis viennent les épauler
Et veuillent reconnaître en leur vibrant appel
Tous ces crimes commis contre l’humanité
 
Quel indécent calvaire pour ceux qui désespèrent,
Qui souffrent dans leur âme, qui souffrent dans leur chair,
Ceux qui sont suspendus à la moindre nouvelle,
Quelle vienne du front ou d’une autre nation,
Œuvrant avec courage et détermination
Pour défendre ce peuple qui n’a que trop souffert.
 
Il y a des silences que je ne comprends pas,
Des inhumanités que je n’accepte pas,
Des urgences qui passent toujours au second plan,
Des excuses indignes de nos « grandes nations »
Qui ne protègent pas leur civilisation,
Laissant l’hypocrisie et la passivité
Endormir les esprits et affaiblir ses rangs.
 
La désinformation envahit notre espace
La corruption sévit presqu’à tous les étages ;
Dans le Haut-Karabakh, la guerre encor fait rage
Et le monde regarde périr des innocents,
Tardant à réagir et se voilant la face…
 
J’ai les yeux pleins de larmes et mon cœur est en sang.

Le jour de la Saint Juste

Le jour de la Saint Juste,

Sur l’autel des prières,

J’ai allumé un cierge

Pour votre beau pays


Après toutes vos peines,

Grâce à cette neuvaine,

Viendra bientôt j’espère

La paix en Arménie.


Le jour de la Saint Juste,

Sur l’autel des prières,

J’ai allumé un cierge

Pour votre cher pays


Afin que la lumière

De notre humanité,

Qui brille pour les Justes

Œuvrant sur cette Terre,


Garde en son feu sacré

Nos sœurs et nos frères

D’Artsakh et d’Arménie,

Et préserve leur vie.

A vous

Vous qui avez porté neuf lunes cet enfant,
Vous qui avez peut-être souffert en accouchant
D’un superbe bébé qui faisait la fierté
De sa grande lignée, éprouvée si souvent,
 
Vous qui avez nourri de votre lait l’enfant,
Vous qui l’avez veillé chaque nuit patiemment,
Vous qui l’avez bercé dans vos bras doucement,
Charmée par les sourires de ses yeux innocents,
 
Vous qui l’avez guidé lors de ses premiers pas
Vous qui avez compris ses « comment », ses « pourquoi »,
Vous qui avez perçu ses tout premiers émois
Et l’avez régalé de vos bons petits plats,
 
Vous qui avez œuvré à son éducation,
Vous qui avez suivi sa belle évolution,
Vous qui l’avez toujours soutenu ardemment
Et lui avez transmis ce qui comptait vraiment,
 
Vous qui avez frémi en voyant que la guerre
Surgissait aux frontières de votre cher pays,
Et l’avez vu grandir pour devenir cet être
Capable de choisir en son âme et conscience
Et d’assumer les choix qu’il a faits pour sa vie,
 
Vous qui, dans cette crainte à l’estime mêlée
Devant ce jeune adulte qui ne se soumet pas,
Avez pu l’embrasser une dernière fois
Juste avant qu’il ne quitte les lieux de son enfance,
Engagé volontaire pour garder sa patrie,
Qu’il vienne d’Arménie ou de sa diaspora,
 
À vous qui restez là avec les yeux ouverts
Et le cœur en suspens, de jour comme de nuit,
À vous qui apprendrez peut-être la nouvelle
Qu’il est mort sur le front et ne reviendra pas ;
 
J’aimerais tellement vous serrer dans mes bras,
Vous réchauffer le cœur, pour épancher vos larmes…
Je voudrais vous écrire que l’on n’oubliera pas
Les garçons et les filles qui sont tombés là-bas,
Repoussant l’agresseur autant qu’il est possible
Avec leur âme fière, avec leur âme digne,
Avec leur enthousiasme, leur courage et leur foi !
 
Mais qu’il est difficile de regarder la liste
De ces noms qui s’alignent comme autant de cercueils,
Ces noms de jeunes gens, ces noms de jeunes filles,
Ces hommes et ces femmes qui ont donné leur vie
Pour servir leur nation avec gloire et honneur,
Protégeant sans faillir la civilisation
Qui fit d’eux ce qu’ils sont, et que nous partageons,
 
Nous qui sommes ici, avec pour seules armes
Nos marches, nos discours, nos drapeaux, nos alarmes,
Nous qui sommes unis par les mêmes valeurs…
Qu’attendons-nous enfin pour agir bel et bien ?
Que dira-t-on demain pour justifier nos actes
Si l’on ne soutient pas nos frères de l’Artsakh ?