Missak et Mélinée entrent au Panthéon

– À Corentin, mon grand-père –

Missak et Mélinée entrent au Panthéon ;

Avec l’Affiche rouge*, ce sont ces combattants

De l’ombre fusillés qu’aujourd’hui l’on honore ;

Espoirs et idéaux tôt chevillés au corps,

23 Partisans qui ensemble ont lutté

Soucieux de préserver honneur et dignité

Dans un pays d’accueil devenu leur patrie,

Pour que la France reste ce phare dans la nuit

Missak et Mélinée entrent au Panthéon ;

L’Affiche rouge aura fait couler beaucoup d’encre

Par la diffamation de cette Résistance

Dont le sang valeureux provenait d’étrangers.

Avec ces mots : « La France ! », criés en s’abattant,**

Leurs destinées tragiques glacent encor le sang

Laissant au goût amer empreint d’admiration

Le sentiment profond de la reconnaissance

Missak et Mélinée entrent au Panthéon ;

Dans notre cœur déjà ils avaient leur maison

Pour vivre leur amour foudroyé par la guerre ;

Orphelins échappés d’une autre tragédie,

Survivants de l’enfer aspirant à la paix

D’une France d’avant que ne monte la haine,

Avant les bruits de bottes rythmés des occupants,

En se tenant debout avec humanité

La poésie venant inspirer leur élan

Missak et Mélinée entrent au Panthéon,

Réunis à jamais dans leur éternité ;

Le sacrifice ultime qui délivre les âmes

Aura fait de ces êtres épris de liberté,

Le symbole puissant d’une vie transcendée

Par leur engagement aux racines profondes,

Pour mieux apprivoiser la frénésie du monde

En y semant des fleurs et des désirs plus grands



** Vers extrait de « Strophes pour se souvenir », poème de Louis Aragon écrit en 1955 en hommage aux vingt-trois résistants FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée) du groupe Manouchian, et inspiré de la dernière lettre écrite par Missak Manouchian à sa femme Mélinée avant d’être fusillé.

* Ce poème mis en musique et chanté par Léo Ferré, est connu sous le titre célèbre de « L’Affiche rouge »

Ce que nous en ferons

Notre monde sera ce que nous en ferons ;

Par les choix que l’on fait, engagés et sincères,

Par notre liberté d’agir et de penser

Nos esprits avisés et nos consciences claires

Par les combats menés, par nos yeux grands ouverts,

Nos rêves assumés, nos chansons et nos vers,

Nos refus obstinés d’avaler des vipères ;

Bien avant que nos corps soient en momies changés

Notre monde sera ce que nous en ferons

L’Artsakh ne serait plus

– Au peuple de l’Artsakh –

L’Artsakh ne serait plus ?

Sans rien pouvoir changer

L’on sonnerait le glas

D’une démocratie

Sans plus se révolter,

Lassé de s’émouvoir,

Résigné et hagard ?

L’Artsakh ne serait plus

Qu’une terre perdue,

Tant d’autres avant elle ;

Et l’on s’habituerait

À laisser les tyrans

Proférer des menaces

Et tirer les ficelles ?

L’Artsakh ne serait plus ?

Faudrait-il accepter

Cette fatalité

Puisque le mal est fait ?

Voir ces croix enlevées,

Ces sites profanés,

Ces lieux débaptisés

L’Histoire falsifiée

Tout en restant muets,

C’est trop nous demander.