La vie ne nous épargne pas

– À mon père –


La vie ne nous épargne pas ;

Elle nous secoue, nous bouscule,

Bouleverse nos habitudes

Vient ébranler nos certitudes,

Nous pousse à aller au-delà

La vie ne nous épargne pas

Mais elle est faite pour cela ;

Dressant devant nous des obstacles

Lorsque l’on ne s’y attend pas

Pour mieux nous apprendre ses lois

La vie ne nous épargne pas ;

Elle nous invite à mieux faire,

À nous lever ou à nous taire,

Prendre le recul nécessaire

Pour changer ce qui ne va pas

La vie ne nous épargne pas ;

Éprouvant notre ambivalence

Pour éveiller notre conscience

Et ne plus être ballotté

Au gré des courants chauds ou froids

La vie ne nous épargne pas ;

Il faut chercher, creuser sans fin

Pour avancer sur le chemin

Nous guidant vers la résilience

Et le dépassement de soi

La vie ne nous épargne pas

Mais nous dévoile tout au long

Des méandres de l’existence

Des univers insoupçonnés

Et des fenêtres sur le monde.

Comment ne pas songer

– Au peuple de l’Artsakh, sous blocus azéri depuis le 12-12-2022 !

Comment ne pas songer aux gens dans le besoin

Quand on voit l’égoïsme et le consumérisme

Qui nous caractérisent, nous qui sommes si loin,

Inconscients de ce monde et ne manquant de rien,

Quand des familles entières luttent au quotidien,

Certaines isolées depuis des mois entiers

Par un blocus qui n’est qu’une guerre de plus,

Une guerre larvée contre une identité,

Pour acculer un peuple à quitter ses foyers,

Laissant tant de familles dans la précarité,

L’angoisse insupportable d’être ainsi séparées ;

Des enfants d’un côté, de l’autre des parents

Impuissants à scier les barreaux virtuels

D’une prison réelle, menant à l’asphyxie

D’une démocratie que l’on veut effacer.

La route de la vie a bien été coupée,

Sans que cela n’empêche de dormir aux sommets.

Parmi les citoyens d’un monde sans merci,

N’étant pas concernés par des faits minorés,

Faiblement ébruités pour ne pas s’en mêler,

Et mal interprétés, qui donc va se lever ?

Quand des soldats en armes, sensés les protéger,

« Garantissant la paix », gardent des barbelés

À tous les carrefours où on les a postés,

Sans autre compassion que leur non expression

Privant les habitants d’une circulation

Qui leur épargnerait ces graves privations.

Une petite grand-mère

Փոքրիկ տատիկ

– À Miko –


C’est une vieille femme au visage ridé,

Dans l’âpre destinée du peuple de l’Artsakh,

N’ayant pas attendu qu’on vienne la sauver

Pour prendre les devants en dépit de son âge

Gardienne volontaire d’un modeste foyer,

Supportant sans se plaindre les tâches quotidiennes,

Gilets superposés sur sa robe de laine

Et jambes protégées sous des collants épais ;

La petite grand-mère brave l’adversité

Sous son air pacifique elle est déterminée

À ne pas se soumettre aux soldats ennemis

Qui ne se cachent plus derrière un alibi

Pour commettre au grand jour leurs mille et un méfaits

Déposée sur l’étoffe d’une banquette bleue,

L’arme déjà chargée prête à ouvrir le feu ;

Une kalachnikov parfaitement huilée

Attend paisiblement qu’on vienne la chercher.


Quel mal ont-ils commis

– Au peuple de l’Artsakh, sous blocus azéri depuis le 12-12-2022 ! –


Quel mal ont-ils commis pour devenir leur cible ?

Ils sont nés simplement, rien de répréhensible,

Sur les terres sacrées où vivaient leurs ancêtres

Autour d’un mont céleste mentionné dans la Bible.

Ils n’ont pas mérité de subir ce calvaire

Et vivent aujourd’hui des heures difficiles,

Menacés au grand jour jusque dans leurs frontières

Par les tirs incessants des soldats azéris.

Comment font ces parents, ces grands-pères, ces pères,

Ces grands-mères, ces mères veillant sur leurs enfants ?

Comment font tous ces gens pour supporter autant

D’épreuves quotidiennes et faire front pourtant ?

Ces familles debout qui protègent leur terre,

Leur maison et leurs bêtes, seuls biens qu’elles possèdent ;

Ce peuple qui se bat pour sauver son pays,

Sans loyaux alliés face à ses ennemis

On n’imagine pas ce qu’il faut déployer

De courage, d’espoir et de ténacité

Pour endurer le manque, l’isolement, la peine,

Survivant de son mieux au froid et à la haine

À l’absence de soins, d’horizon, de moyens,

La carence de fruits et de légumes sains

Pour garder la santé et nourrir les enfants

Privés des produits frais cultivés au jardin.

Ils souffrent, c’est un fait, mais résistent pourtant,

Soutenus par leur foi dans leurs chères montagnes,

Certains de leur bon droit puisqu’il est capital

De ne baisser les bras que quand la mort vous prend


Car la vie n’attend pas d’avoir la permission

Pour déployer ses ailes et chanter sa chanson.