Litanie

– Hommage à toutes ces vies fauchées dans la fleur de l’âge –

Et se poursuit la litanie

De tous ces garçons en treillis

Défilant inlassablement ;

Visages graves, traits juvéniles

Et ribambelle de sourires

Offerts juste avant de partir

À leurs parents et grands-parents

Un immense album de famille

Feuilleté douloureusement,

Où chacun peut se recueillir

Et saluer ces combattants ;

Les remerciant humblement

D’avoir défendu leur patrie,

Défiant la mort et le temps

Hommage libre et émouvant,

Prière endeuillée, peine vive ;

Mots partagés, bouleversants,

Qui permettent à grande échelle

D’entrer dans cette communion

D’une souffrance universelle

Qui nous laisse dans l’affliction

Au-delà du sang et des larmes

Du choc et des constats amers,

La reconnaissance infinie

D’une communauté meurtrie

Dans les profondeurs de son âme

Qui pleure la perte brutale

Des enfants chéris du pays :

Ces jeunes gens si méritants,

Portant l’espoir de leurs parents,

Héros de la vie ordinaire,

Qui luttent inlassablement

Pour que vive encore longtemps

Sur la terre de leurs ancêtres,

Leur peuple multiséculaire.

Deux poids et deux mesures

De l’argent pour les uns,

Des armes, du soutien,

Pour les autres la tombe

Ou l’exode forcé ;

Et des poignées de main

Entre grands de ce monde

Pour se congratuler.

Un deux poids deux mesures,

Dans toute l’abjection

De sa déloyauté ;

Tremplin pour ceux qui ont

La funeste mission

De diviser le monde

Pour mieux le dominer.

Et l’on voudrait nous faire

Avaler des vipères ;

Mais pour qui nous prend-on ?

Perdrions-nous la tête,

Nous qui, sans réflexion,

Protestions à peine

Devant ces trahisons

Dénonçant du bout des lèvres

Les terroristes prétextes

Justifiant des actions

Qui outrepassent les droits ;

Prévisibles exactions

De ceux qui, sans une gêne,

Se croient au-dessus des lois.

Entre ceux qui les soutiennent

Et ceux qui les laissent faire

Par bêtise ou corruption,

Faiblesse ou compromission

Pour « assurer ses arrières »

Ou manque de compassion,

La frontière est bien légère.

Braves gens, rendormez-vous,

D’autres se chargent de tout ;

Préparant ouvertement,

Un monde de servitude

De lâcheté, de parjures

Et de grands renoncements.

Douleur aiguë

Douleur aiguë dans la poitrine,

Dans la bouche un goût métallique,

Les larmes qui brûlent les yeux

Regard perdu, regard hagard,

Comme pris dans le jeu des phares

D’une réalité sordide…

Comment ne pas être alarmé

Quand on voit le monde tourner

Comme une toupie désaxée ?

Comment garder la confiance,

La foi en notre humanité,

Quand on voit cette indifférence

Mondialement assumée ?

Peut-on décemment tolérer

Que l’on feigne ainsi d’ignorer

Tant de drames amoncelés,

Comme si rien ne se passait ?

Tout me blesse

Tout m’agresse et tout me blesse,

Mal au cœur et à la tête,

La nausée au bord des lèvres…

Mais qu’avons-nous laissé faire ?

Tout m’agresse et tout me blesse,

Le silence ou l’allégresse,

L’indifférence ou la haine ;

Les ruses politiciennes

Tout m’agresse, tout me blesse ;

Saluerons-nous la prouesse

De s’en nettoyer les mains

Tout en laissant l’impensable

Se reproduire sans fin ?

Tout m’agresse, tout me blesse ;

La fourberie, la bassesse ;

Circulez, y’a rien à voir !

Gardez les yeux dans le noir,

Et la tête dans le sable

Bouchez-vous bien les oreilles ;

Laissez votre âme au vestiaire

Et vos doutes au placard,

N’écoutez plus votre cœur !

Tout m’indigne et tout m’écœure.

Des bombes tombent du ciel

Des bombes tombent du ciel,

La colombe éploie ses ailes

Et choit, touchée en plein vol,

Perles grenat sur le col.

Après des mois d’impuissance,

De privations, de souffrance,

Ce pacifique symbole

Gît, abattu sur son sol.

L’espoir se change en stupeur ;

Long cortège de douleur

Pour accompagner ce deuil :

La valise ou le cercueil.

Des bombes tombent du ciel,

La colombe éploie ses ailes

Et choit, touchée en plein cœur,

Trou béant noyé de pleurs.