Panzi

– Au Dr Denis Mukwege, gynécologue en RDC, Prix Nobel de la Paix 2018, pour son extraordinaire travail au service des femmes, depuis plus de 30 ans.

– Au Dr Guy-Bernard Cadière, pour son talent et son implication dans cette mission capitale.

– À toutes celles et ceux qui luttent pour le respect de la dignité humaine dans toutes ses dimensions.


Je vois un homme qui travaille à réparer le corps des femmes,

Depuis des dizaines d’années, avec volonté et courage,

Abnégation, intégrité, patience et opiniâtreté.

Je vois cet homme digne et grave qui un jour a su se lever,

Lumière dans un paysage que l’espoir avait déserté,

Humaine grâce face au chaos, capable de se transcender

Pour ainsi regarder en face notre glaçante obscurité,

Agissant contre le fléau de la violence exacerbée.

Je vois cet homme qui consacre son talent et sa force d’âme,

Avec zèle et humilité, en dépit de graves menaces

Pesant sur ce qu’il a créé, à sauver des milliers de femmes

Ayant subi les pires drames, se réfugiant à Panzi

Afin de retrouver la flamme qui redonne un sens à la vie.

Je vois deux hommes admirables, ainsi que ceux qu’ils ont formés,

Tous ceux qui se sont impliqués au sein de ce lieu remarquable,

Luttant avec ténacité contre les crimes innommables

De cette guerre sans pitié couvrant tant de brutalités.

Je vois ces soignants qui se donnent à cette tâche bien ingrate

Dont ils ressortiront grandis, nobles descendants d’Hippocrate,

Pour réitérer le miracle d’accueillir et de soulager,

De sauver ce qui est sauvable chez ces êtres traumatisés,

Et pense à tous ceux qui commettent jour après jour d’atroces actes

Envers d’autres communautés qu’ils se plaisent à torturer,

Ceux qui, en saccageant ces femmes*dans une impunité totale

Détruisent familles et villages, sans rien pour les en empêcher.

N’ont-ils aucun sursaut de l’âme, pas d’amie, de sœur estimée,

Pas d’épouse ou mère à aimer, pas d’enfant à venir bercer,

Pour exposer publiquement leur criminelle lâcheté,

En commettant d’abominables et révoltantes cruautés ?

Je vois aussi toutes ces femmes, survivant à l’adversité,

Qui se battent pour exister malgré ce qu’elles ont enduré,

Au-delà de l’imaginable, par la souffrance et l’infamie.

Pour votre courage admirable associant corps et esprit,

Respect total et infini.


* J’évoque ici le calvaire des femmes, qui sont les victimes attitrées de ces atrocités, mais cela touche hélas aussi de plus en plus d’enfants, et les hommes ne sont pas épargnés.

Malheureusement, la République démocratique du Congo n’est pas le seul théâtre de ces abominations qui ont également cours au Nigéria, Soudan, Ethiopie, Darfour, Erythrée, Haïti, Myanmar, Ukraine, Israël, territoires palestiniens occupés, Lybie, Syrie, etc.

La liste est longue, hélas, car de trop nombreux pays en guerre pratiquent des sévices comparables, à une échelle de l’horreur plus ou moins large et généralisée.


Dr Denis Mukwege & Dr Guy-Bernard Cadière : Réparer les femmes, un combat contre la barbarie – Editions Mardaga


Muganga- Celui qui soigne, un film réalisé par Marie-Hélène Roux, 2025

https://panzifoundation.org/fr

Tout détruire

– À Monsieur Jivan Avetisyan –


« Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil. »

Victor Hugo, Les Orientales, 1828.


Saccager, encore et toujours, détruire ce qui nous entoure,

Tout ce qui n’a pas lieu d’être s’il ne provient pas de nous,

Tout ce qui nous dépasse, ce qui laisse une trace,

Et nous renvoie soudain à la sourde menace

De notre indignité au grand jour révélée.

Poursuivre avec méthode le projet planifié,

Objectif avoué aux moyens assumés

D’un monde à notre image, faisant fi du passé.

Ne laisser que des ruines où hier s’élevait

La noble architecture célébrant le sacré,

L’inspirante splendeur d’entrelacs ciselés

Sur les pierres sculptées d’antiques cimetières,

Champs de khatchkars dressés vers la gloire céleste ;

Symboles authentiques, toujours revisités,

Qui fondent un pays profondément ancré.

Broyant l’un après l’autre chaque éloquent vestige,

Ne garder nulle pierre qui puisse témoigner

D’un patrimoine riche au glorieux prestige,

Façonné par l’histoire à travers les années.

Puis, le crime accompli, dans l’espace vidé

De son souffle vital, comme si de rien n’était,

Redistribuant les cartes de ce jeu aux dés pipés

Dans l’hypocrite échiquier d’un monde âpre qui perd pied,

Niant l’amour du prochain, privé du moindre respect

Envers le génie humain et sa grandeur révélée,

Venir et se proclamer légitime possesseur

D’un territoire occupé par de vils conspirateurs

Dont les terres nous reviennent, sans contestation possible,

Les preuves qui existaient, chaque fois prises pour cible,

Ayant été pilonnées sans que quiconque intervienne.

Prison corporelle

– À Mathilde –

Souffrance et maladie,

L’opération et puis

L’enchaînement maudit.

Le cours du temps s’arrête

Le cerveau à la peine

Vit cette tragédie.

Dans l’étroit cagibi

De l’enveloppe humaine,

Au silence réduit,

L’être que l’on séquestre,

Ravale sa colère,

Muré dans son dépit,

Endurant l’impensable,

Mais luttant sans répit.

Ses yeux parlent pour lui.

Le Roi s’amuse

– À Léopold 

– À tous les chanteurs, musiciens, professionnels de chacun

des métiers nécessaires à la réalisation d’une telle œuvre ;

pour ce Rigoletto de Verdi mis en scène par Claus Guth

et joué à l’Opéra Bastille : Bravo ! –


Le Roi s’amuse, à l’opéra ;

Cela fait résonner en soi

D’autres histoires d’autres temps

Où le comportement des « grands »

De ce monde et bien des puissants,

N’est guère à la fin différent.

Toujours des cours, des intrigants,

Des luttes de classe et des clans,

Des passe-droits, des entre-soi,

Où l’on s’arrange avec les lois,

Cependant que le fou du roi

Flattant les uns, raillant les autres,

Vient amuser la galerie,

Maudit par ceux dont il se gausse,

N’éprouvant aucune empathie

Pour les êtres que l’on trahit,

Pour l’innocence que l’on fauche,

Si l’on sauve l’enfant chérie

De cette funeste débauche.

Mais la médaille a son revers

Et la vengeance un goût amer

Quand, pour punir ce libertin

D’avoir déshonoré son bien,

On traite avec un assassin ;

Pensant balayer ses tourments,

Ourdissant un crime de sang

Qui se retourne contre soi,

Quand l’être, dans ces filets pris,

Préfère sacrifier sa vie

Pour que son amour innocent

Reste pur en son cœur vaillant,

Faisant disparaître l’offense

Aux yeux de ce père en souffrance

Hanté par de poignants remords

Qui le suivront jusqu’à la mort.

Cette petite flamme

– À H. –

Cette petite flamme qui brille dans notre âme,

Si souvent étouffée au cours de l’existence,

Comment la préserver sans même que l’on sache

Qu’il faut l’alimenter pour la garder vivante ?

Cette petite flamme qui couve dans notre âme,

Si souvent ignorée au fil de l’existence,

Il suffit quelquefois qu’un être différent,

D’un autre caractère, par chance ressentant

La vie à sa manière, pose un nouveau regard

Sur ce que l’on traverse en toute inconscience,

Attisant cette flamme sommeillant en notre âme,

Pour qu’un matin s’éclaire d’inédite manière

Le chemin écarté où la pensée s’égare,

Nous sortant de l’ornière où nous étions tombé,

En éclatant la bulle que l’on avait créée

Pour mieux se protéger d’immanquables souffrances.

Cette petite flamme qui veille sur notre âme,

Attachée à notre être avant notre naissance,

Qui soudain se redresse pour briller de plus belle

Afin de nous permettre d’embrasser l’existence,

Envisageant la vie sous un autre éclairage

Et vibrant à la joie d’en découvrir le sens,

Pour transmettre sans cesse le précieux héritage

Accompagnant chacun tout au long du voyage,

Bagage essentiel qui inspire et engage ;

À force de ferveur et de ténacité,

D’un élan créateur, d’efforts et de courage,

Partageant humblement ce qui nous est donné

En élevant la flamme qui brille dans notre âme