Les Pies

Dans son habit du dimanche
Plumes noires, plumes blanches,
Élégante en queue-de-pie,
La coquette s’enhardit
Tout en gardant ses distances,
Attirée par ce qui brille.
 
La jacasse va et vient
Dans les parcs, les jardins
Qui embellissent la ville.
Voletant de toit en toit
D’arbre en arbre, la voilà
Dans sa tenue d’apparat,
Avec son long balancier
Qui s’irise de violet.
 
Plumes de jais, reflets bleus,
Chatoyances métalliques,
Les Ageasses rassemblées
Sur les câbles électriques,
Fanfaronnent bien un peu.
Elles se toisent, se chamaillent,
Curieuses, vives, bavardes,
Tandis qu’elles jouent au jeu
De la chaise musicale.
 
Quand les Pies sont de sortie,
Jabots noirs et ventres blancs,
Elles se disputent souvent
Et s’ébattent bruyamment ;
Mais en les voyant voler
Toutes plumes écartées,
Dans leur superbe livrée
Et leurs gants de communiantes,
 
Je ne peux pas m’empêcher
De les trouver attrayantes,
D’apprécier leur prestance,
Leur plumage distingué
Et cette franche alternance
Des plumes noires et blanches.

Noctuelle

D’un beau vert fluorescent,
Tu poinçonnes allègrement
Les feuilles du quinoa.
Je te laisse la vie sauve,
Curieuse de voir à quoi
Un jour tu ressembleras.

Tu peux agir à ta guise,
Manger avec gourmandise
Ce qui pousse autour de toi,
Quitte, en passant, à détruire
Quelques fruits en devenir,
Je ne te blâmerai pas.

Trou par ici, trou par là,
Je t’ai cherchée, te voilà !
Dans la jungle végétale
Où tu t’es dissimulée,
Des indices te trahissent…
Ton appétit te perdra !

Ton insatiable intestin
A causé bien des dégâts,
Car des limbes dévorées
Ne restent que les nervures
Et des branches désolées,
Sans leur écrin de verdure.

Il aura fallu du temps
À ta chenille si vorace
Pour parvenir à ses fins,
Et se cacher à l’abri
D’une feuille repliée
Soigneusement par ses soins.

Dans ce petit nid de soie
Tu te changes en chrysalide.
Je guette ce moment-là
Impatiente et attentive,
Pour assister à la suite
De cette naissance ultime.

Et ce matin je te vois,
Papillon couleur de bois,
Fragile humide et froissé
Dans ton costume d’écorce,
Tellement bien camouflé
Entre terre et feuilles mortes.

Sans bouger tu fais sécher
Ce corps nouvellement né,
Et les rayons du soleil
Repassent, sans les brûler,
Les écailles veloutées
De tes ailes, encore fermées.

C’est le cycle de la vie
Qui va se renouveler.
Laisse-moi te regarder
Avant que tu ne t’éveilles,
Que tu ne prennes tes aises
Pour t’envoler dans la nuit.

Un arbre dans la ville

C’est un arbre dans la ville
Entouré par du béton
Dans une cour si petite,
Le ciel pour tout horizon.

C’est un arbre solitaire
Par essence sédentaire,
Enclavé dans un lieu clos,
Ceinturé par les murs hauts
De tous ces grands bâtiments.

C’est un arbre en sa prison,
Toujours abrité du vent,
Malgré cela il profite
Du soleil et de la pluie,
De la neige ou des grêlons
Et de la lune qui luit,
Changeant au fil des saisons.

C’est un arbre qui se penche
Et dont les très fines branches
Se courbent près des façades,
Parce qu’elles manquent de place
Dans ce trop petit espace
Pour se déployer vraiment.

C’est un arbre qui m’emporte
Loin des tâches imposées
Par la vie en société…
C’est ma bulle d’oxygène
Et je me dis en moi-même
Que la nature est bien belle
Même enfermée de la sorte.