De ma table

De ma table de travail,
Entre les pierres et le ciment
Des hauts murs des bâtiments
Et le peu d’horizon
Que me laissaient les toits
Au-dessus de Paris,

J’ai vu se colorer
Un morceau de ciel gris
Par chance rescapé
D’une ville étouffée
Par trop de constructions.

J’ai vu cette lumière
Belle et douce à la fois,
Un avant-goût d’Eden
Pour qui sait apprécier
Les beautés de ce monde ;

J’ai vu se dérouler
En fondu enchaîné
La valse des rosés,
Subtils et délicats,
Les teintes de safran,
Les pêche et orangés…

J’ai vu chaque seconde
De nouvelles couleurs
Qui visitaient la gamme
Des bleus jusqu’aux violets
En passant par le parme ;
Des camaïeux légers
Aux pigments concentrés,
De l’outremer foncé
À l’indigo intense,

Jusqu’à ce que la vue
Que j’ai de ma fenêtre
Ait soudain disparu,
Happée par la nuit d’encre
Bien que ce ne soit pas
Encore l’heure que je rentre.

A la fenêtre

Le jour est bien levé,
Je suis si fatiguée
Que je serais tentée
D’aller me recoucher.

Mais le soleil est là,
Lumineux dans le ciel,
Superbe en son écrin
De nuages moirés
Traversés par les mouettes.

Un corbeau sur l’antenne
M’a vue à la fenêtre
Mais ne s’en effraie pas.
Je reste longuement
À observer cela.

Quelle joie de pouvoir
Contempler les scénettes
Qui se jouent devant moi,
Nouvelles chaque fois.
Je ne m’en lasse pas.

Il y a quatre étourneaux
Maintenant sur l’antenne,
Je suis bien réveillée,
Mais je ne peux rester
À bayer aux corneilles.

Il est temps de passer
Aux tâches quotidiennes
Car qui s’en chargera
Si je ne le fais pas ?

Mélodie

Le jour était déjà levé,
Je voyais poindre sa lueur.
En arrivant à leur hauteur
Les lampadaires se sont éteints,
Laissant un filet orangé
Légèrement fluorescent
Briller au cœur du métal blanc.

Toujours les mêmes trilles,
Mélodie du bonheur
De cet oiseau chanteur
Que je ne vois jamais,
Mais dont les sifflements
Réjouissent mes oreilles
Et réveillent mon cœur.

Il n’y a pas de soleil.
Le ciel, opaque et gris,
Diffuse sa lumière
Timide et singulière.
L’humidité est là
Et la fraîcheur aussi…
Je marchais d’un bon pas,
Je m’arrête et j’écris.

Beau sapin

Mon beau sapin, roi des forêts
L’hiver étreint la terre,
La neige couvre les vallons
Les oiseaux quittent les sillons,
Mon beau sapin au doux parfum
Ta présence m’est chère.
 
Mon beau sapin, toi qui brillais
De milliers de lumières,
Tu as perdu ta majesté
Loin des massifs où tu es né,
Mon beau sapin, roi des forêts,
Séparé de tes frères.
 
Mon beau sapin, au lendemain
Du saint-anniversaire,
L’aiguille maintenant jaunie
Tu as perdu ton alibi,
Mon beau sapin, roi des forêts
Tu n’as plus de mystère.
 
Mon beau sapin, roi des forêts
La ville était un piège,
Toi qui parais de ta beauté
Les courtes journées de Noël,
Mon beau sapin, loin des forêts
Ta disgrâce me peine.