Au fond de ses yeux

– À ma fille –
– Pour Yuki –

Qu’y a-t-il au fond de ses yeux,

Dans ses iris mystérieux

Veinés de dessins fabuleux

D’où émane cette lumière ?

Qu’y a-t-il dans ce regard clair

Aux longs cils ombrant les paupières,

Sur le fond ridé d’une mer

Où l’imagination se perd ?

Qu’y a-t-il au fond de ces eaux

Jouant dans l’éclat des vitraux

Avec l’absinthe des cristaux

De cette surface lunaire ?

Qu’y a-t-il dans ce lac troublant,

Traversé de courants changeants

Au fil de l’humeur et du temps,

Où vient se mirer la lumière ?

Le grillon de la cathédrale

– À T. L.-C. –

C’est un grillon qui chante, au profond du silence,

Mélopée solitaire entre ciel et pavés,

Étincelant appel montant vers les nuées,

Surprenante chanson vibrant avec constance.

C’est un grillon qui chante, minuscule existence

Emplissant tout l’espace, perdu dans la nuit d’encre,

Invisible chanteur, en ces obscures heures,

Ensoleillant le cœur des rares promeneurs.

C’est un grillon qui lance, près de la cathédrale

Si fièrement dressée, au grès rose sculpté

De dentelles de pierre finement ouvragées,

Dans le froid de janvier, son refrain d’espérance.

Jardin intérieur

Sur les murs, des papillons,

Des araignées au plafond,

Une chenille escalade

Les voilages du salon,

Se changeant en chrysalide

Parmi les plis de coton.

Sur l’acajou du buffet

Se confond la noctuelle,

Sur sa surface vitrée,

Se promène une punaise,

Le syrphe rayé recherche

Quelque fleur à butiner.

De quel nouveau sortilège

La cétoine est donc la clef ?

Vers la fenêtre envolée,

Elle cherche la lumière

Où étincellent ses verts

Élytres métallisés,

Joyaux lopho qui recèlent

Un abdomen mordoré.

Les insectes se réveillent,

Surpris, au mois de janvier,

Dans notre salle à manger,

Sans comprendre la raison

De cette étrange prison

Les condamnant à errer

Dans des lieux inadaptés,

Loin du printemps espéré.

Sous la pluie de décembre

– À mes parents –


Sous la pluie de décembre,

Verdoyante à souhait

La campagne bretonne

S’étale désormais

Au pied des rideaux d’arbres

Aux branchages légers

Dont les rameaux dessinent

Une dentelle grise,

Sur l’horizon mouillé.

Entre leurs branches nues,

S’arrondissent en nombre

Les pompons au vert sombre

Des généreux bouquets

De gui enchevêtré.