Les jardins d’Olivini

– À Lara et Julien –

C’est au cœur de l’Ariège, non loin de Saint-Girons,

Dans un lieu préservé où chantent les grillons,

Sur ce pan de montagne où fut réimplanté

Voilà quelques années l’ours des Pyrénées,

Que se sont installés deux patients jeunes gens

Rattrapés par l’appel impérieux du vivant,

Et la permaculture au modèle inspirant.

Leur terrain est en pente, la forêt le surplombe ;

Brassant sa fraîche eau pure la rivière au-dessous

Chante sans se lasser sur un lit de cailloux ;

Le ciel parfois se strie d’un envol de palombes.

Paradis pour les ronces, mille plantes prospèrent,

S’étendant largement dans l’ombre ou la lumière,

Persévérance innée renouvelée sans fin.

Règnent sur le domaine la mauve et la fougère,

Le rumex et le trèfle, l’oseille et le plantain ;

La menthe et les orties tapissent de verdure

Un vaste périmètre où deux granges de pierres

Dressent leurs silhouettes au cœur de la nature,

Témoignant d’un passé où l’homme et l’animal,

En symbiose totale, unissaient leur destin.

Surgissant de la terre, entre bois et rochers,

Trois sources prennent vie, et l’eau, canalisée,

Circule doucement sous des pas japonais

D’ardoise en plaques fines aux moirures d’orage.

De ce point d’arrosage on accède aisément

À deux emplacements couverts d’herbe séchée,

Très tôt aménagés en cercles potagers.

Sous des tissus légers, voiles immaculés

Joliment disposés, les mettant à l’abri

Des rayons pénétrants d’un soleil trop ardent,

Et d’escargots gourmands de jeune pousse épris,

Croissent, sans se presser, ces plants qui ont germé

Au rythme ralenti d’un implacable été,

Prenant le temps de vivre et de s’enraciner,

Feuille après feuille, tige après tige,

Bien avant la fleur et le fruit,

Promesse d’une autonomie

Qui permettrait de transformer

L’utopie en réalité,

Et le rêve en projet de vie.

Astres

Tu veilles à mon coucher,
Au plein coeur de la nuit,
À mon réveil aussi
Lorsque le ciel rosit.
Au fil du temps qui passe
Peu à peu tu t’éloignes
Du côté opposé
À celui du lever.

Lorsque l’astre du jour
Déploit ses feux royaux,
Son intense lumière 
Jaillit de toute part ;
Inventant des contrastes,
Jetant sur les carreaux
Des immeubles d’en face 
Ses lueurs et ses fastes.

Tu n’as pas disparu.
Ta blancheur s’atténue, 
S’estompe dans l’azur, 
Laissant encore sa trace
Poursuivre en filigrane
Sa course sans étoile.

Puis ton sourire s’efface,
Se dissout dans l’espace,
Laissant toute la place 
À celui qui n’avait 
Pas encore tout à fait
Pris possession des lieux,
Et règne, souverain,
Désormais dans les cieux.

Miels sauvages

Des miels sauvages ;
Quels beaux voyages géographiques,
Ethnologiques et gustatifs cela fait !
Quels territoires préservés les ont portés,
Et quelle chance de les goûter !

On visualise la mangrove
Aux racines enchevêtrées,
La Montagne Pelée
Qui domine son île en toute majesté,
Ainsi que les chataîgneraies
De l’Ardèche de nos ancêtres,
Un peu plus à notre portée…

On imagine les essences végétales,
Arômes rares et goûts subtils,
Les ambres clairs, dorés, cuivrés,
Où l’on peut retrouver des parcelles de cire
Intimement mêlées.

Ce précieux or liquide provenant des abeilles,
Convoité en tous lieux depuis la nuit des temps,
Patiemment récolté par l’incessant manège
Des mille butineuses recueillant le nectar
Des floraisons locales,

Avant d’être transmis à d’autres ouvrières
Et que ne s’élabore à force de travail
Cette substance unique aux multiples vertus
Dont les propriétés ne se démontrent plus,

Faisant de chaque miel l’aliment bénéfique
D’une incroyable chaîne de notre écosystème
Que l’on doit protéger contre vents et marées
Des dangers qui le guettent et le mettent en péril.