Adagio pour deux cygnes

– À Thierry L.-C. –


Sur un cours d’eau deux cygnes glissent,

Caressant de leur corps soyeux

L’onde où se reflètent les cieux

Le premier, d’un blanc éclatant,

S’avance silencieusement,

Incisant la surface lisse

Le second, habillé de noir,

Ombre vivante du miroir,

Suit son compagnon de voyage

Dans la moire de son sillage

Plumes légères, nivéennes,

Clarté des neiges éternelles ;

Robe de bal ou d’opéra,

Tenue de danse ou de gala

Plumage à la couleur d’ébène,

Aussi profond que les ténèbres ;

Rare parure de baptême

Ornée d’un éclat d’obsidienne

Duo d’oiseaux en tête-à-tête

Nageant un tendre pas de deux

Dont l’adagio flotte autour de

Leurs gracieuses silhouettes

Le couple passe, silencieux,

Dans l’harmonie des jours heureux,

Au diapason des amoureux.

Cygne d’étang

– À ma fille –


Forêt profonde aux troncs serrés

Lignes brouillées, stries ondulées,

Reflets tremblants sur l’eau ridée

D’un étang où les ombres noires

N’en finissent pas d’osciller,

Troublant l’éclat de son miroir

Et sur ces rameaux projetés,

Dans ce décor particulier

Zébrant de fusain l’eau limpide,

Un cygne passe, immaculé,

Poursuivant sa route, impassible

Voit-il éclore sa beauté

Ou sa grâce se refléter

Sur l’ondoyant tapis liquide ?

Sait-il seulement qui il est,

Sous son apparence impavide ?

Le bel oiseau majestueux

Ignore son reflet qui danse

Sur un fluctuant camaïeu

De beiges, de bruns et d’orange

Et, lissant ses rémiges blanches,

Il passe comme une évidence

Sillage d’eau et de duvet,

Esprit des eaux ou des forêts

Venu ce soir nous visiter

Pour laisser la sérénité

Gagner nos âmes égarées.