Petites bêtes des jardins

– À ma fille –

Dans l’aube renaissante, quand l’air est respirable,

La famille Rouge-queue au pit pit assidu

S’envole et disparaît dans le buisson touffu ;

Les petites mésanges qui jouent dans le mûrier,

S’agrippant au vieux mur piquent avec succès

Tout insecte imprudent passant un peu trop près

Un lézard des murailles, l’œil toujours aux aguets,

Se gorgeant de soleil sur le brûlant muret,

File sans hésiter au premier bruit suspect

Dans quelque infime faille, esquivant le danger

La tonnelle de vignes aux grappes opulentes ;

Le vol lourd des frelons dans l’été surchauffé ;

Le figuier plein de fruits à la chair parfumée,

Vert tendre ou lie-de-vin, régal à déguster,

Détachés sans effort en laissant sur les branches

Quelques lambeaux sucrés, des guêpes convoités

Les quilles finlandaises, vissées dans les graviers,

Sous l’ombre bienfaisante du tilleul argenté

Dont les feuilles cordées abritent, familiers,

Des milliers de gendarmes aux masques contrastés

C’est le temps des vacances, lentement savouré,

Moment tant espéré où l’on peut musarder

Et s’allonger dans l’herbe pour simplement rêver.

Le voleur d’œuf

Le voleur d’œuf a frappé

Et je n’ai rien remarqué ;

Je ne me suis absentée

Pourtant qu’un très court instant

Mais les deux jolis œufs blancs

De la pigeonne hébergée

Se sont volatilisés

Comme par enchantement

Qui les a subtilisés ?

Est-ce une pie affamée,

Où la corneille qui erre

Sur le toit de graviers,

Recherchant un aliment

À se mettre sous la dent

Pour le petit déjeuner ?

Rien ne peut les accuser.

Le voleur incriminé

Ne sera pas inquiété ;

Il a repris sans tarder

Le cours de sa destinée.

Tourbillonnez, les martinets

Tourbillonnez, les martinets,

Tourbillonnez au vent léger,

Zébrez le ciel pur de vos ailes,

Vibrez dans l’azur aquarelle.

Tourbillonnez, les martinets,

Enchantez nos yeux étonnés

De vos troublantes arabesques,

Vivez votre vie romanesque

Sans jamais venir vous poser.

Tourbillonnez, les martinets,

Sifflez l’arrivée de l’été

De l’aurore à la nuit tombée,

Et surtout n’oubliez jamais

De revenir me saluer.

Electricité dans l’air

Éclairages spontanés,

Clignotement des nuages ;

Foyers d’électricité

Dont les lueurs se propagent

Lumière des grands contrastes,

Entre jaune et gris plombé,

Ocre laiteux des nuées,

Halos sourds qui se déplacent

Éblouissements célestes,

Pyrotechnie orchestrée

Par le maître des orages,

Prestidigitateur né

Donnant de la profondeur,

Un relief particulier,

À cette nuit traversée

Par tant d’éclairs de chaleur.