Des oiseaux et une grue

Sur l’antenne de télé,
Une jeune corneille
Semble désemparée ;
 
Sa mère, ou bien son père,
La caresse du bec
Avant qu’elle ne s’en aille
Voir d’autres congénères
Et qu’ils ne se chamaillent
Sur le toit en terrasse
Recouvert de graviers.
 
Dans le ciel transparent,
Les martinets, légers,
Défilent sous mon nez,
Peaufinant sans arrêt
Leur aérien ballet.
 
L’horizon dégagé
Offre encor ce matin
Un tout nouveau spectacle
Au monde citadin ;
 
Installée juste en face
De mon champ de vision,
Pantin articulé
Aux gestes mécaniques,
Une immense grue jaune
Soudain s’est réveillée.
 
Dragon téléguidé,
Elle dresse dans les nues
Sa rigide structure
De treillis métalliques. 

Cinq heures et quelques

Il est cinq heures et quelques
La ville est assoupie.
Dans la lumière grise
Fusent de toute part
Les mille sifflements,
Orchestre spontané
De cette gent ailée
Invisible pourtant,
 
Qui sonnent, se répondent,
Répétés ou épars,
Légers ou insistants,
Et prennent possession
De l’espace sonore
Que le sommeil des hommes
Leur octroie maintenant.
 
Succédant à la nuit,
L’aube bise et ouatée
Absorbe peu à peu
Toute l’obscurité ;
Puis, petit à petit,
Je distingue les formes
Des pigeons qui répètent
Leurs jeux de séduction,
 
Le vol d’un martinet
Semblant se diriger
Droit sur moi brusquement
Avant de m’éviter
Presque au dernier moment,
 
Le petit étourneau,
Revenu à sa place
Sur l’antenne d’en face
À la vue imprenable,
Qui agite ses ailes
Avec la frénésie
De ces lanceurs d’alerte
Luttant pour que s’éveillent
Les consciences endormies.

Manège

Il fait encore un peu frais
Ça sent bon comme en été,
J’ai longuement observé
Le manège des oiseaux ;
 
Les courses des martinets,
L’élégante pie bavarde,
La perruche au vert plumage,
Les pigeons qui paradaient.
 
J’ai écouté l’étourneau,
Celui qui faisait le guet
Sur l’antenne de télé
Et sifflait sans s’arrêter ;
 
Je l’ai vu qui surveillait
Son nid, caché sous les tuiles,
Au-dessous de la gouttière,
Bien avant de s’y glisser
Une fois que le danger
Lui paraissait écarté.
 
J’ai suivi, intéressée,
Ses allers-retours au nid,
Quand il prenait avec lui
De quoi nourrir et calmer
Ses oisillons affamés,
Jusqu’aux prochaines becquées ;
 
Et assise à ma fenêtre
J’ai vu la première guêpe,
La première coccinelle,
Le tout premier papillon
Voleter près du balcon.

Arcs-en-ciel

En cette fin de journée
Au charme particulier,
C’est sous une ondée légère
Entre azur et gris fumé,

Plus loin que le peuplier
Aux nouvelles feuilles vertes,
Après les branches cuivrées
Souples et lisses de l’érable
Dissimulant les brindilles,
Entre rameaux et ramilles,
D’un ancien nid oublié

Que deux arcs-en-ciel sont nés,
Créations insaisissables
Apparues en décalé ;
L’un plus léger, l’autre intense,
Colorant les cieux d’orange
Et de tous les dégradés
Du violet à l’indigo,
Bleu, vert, jaune et orangé,

Jusqu’au rouge soutenu
Qui se dissout dans les nues,
D’un ciel d’orage venu
Du plus reculé des âges,
Porter vers nous cette image
Et concentrant crescendo
Les pigments de son tableau.