Cygne d’étang

– À ma fille –


Forêt profonde aux troncs serrés

Lignes brouillées, stries ondulées,

Reflets tremblants sur l’eau ridée

D’un étang où les ombres noires

N’en finissent pas d’osciller,

Troublant l’éclat de son miroir

Et sur ces rameaux projetés,

Dans ce décor particulier

Zébrant de fusain l’eau limpide,

Un cygne passe, immaculé,

Poursuivant sa route, impassible

Voit-il éclore sa beauté

Ou sa grâce se refléter

Sur l’ondoyant tapis liquide ?

Sait-il seulement qui il est,

Sous son apparence impavide ?

Le bel oiseau majestueux

Ignore son reflet qui danse

Sur un fluctuant camaïeu

De beiges, de bruns et d’orange

Et, lissant ses rémiges blanches,

Il passe comme une évidence

Sillage d’eau et de duvet,

Esprit des eaux ou des forêts

Venu ce soir nous visiter

Pour laisser la sérénité

Gagner nos âmes égarées.

Le temps des nids

C’est le temps des nids ; comme il est charmant
L’incessant ballet que font les jolis
Passereaux pressés de venir glaner
La mousse douillette ou le fin duvet
 
Jardinant ainsi avec frénésie
Autour des buissons aux mauves bouquets
De la centaurée qui toujours fleurit
Devant la fenêtre où je les épie
 
Le bec étoffé de sèches brindilles
Faisant aux oiseaux d’étranges moustaches,
Silhouettes vives aux légers panaches,
Ils s’en vont soudain pour aller tresser
Les trésors cueillis à chaque becquée.