Sous la cascade

Sous la cascade tiède qui s’écoule sans fin,
Il est bon de sentir cette eau pleine de vie
Jaillir avec entrain ; flot ininterrompu
Tombant avec fracas dans un joyeux chahut.
 
Frappant de tout son poids les épaules, le dos,
Elle fouette le sang, ruisselle sur la peau,
Tambourine le crâne, assourdissant les bruits,
S’abat et rebondit sur le corps étourdi,
Un peu endolori sous l’impact de l’eau.
 
Elle martèle le corps avec tant d’énergie
Qu’il est bien difficile de rester à sa place
Tant on est secoué par cette cataracte
Qui déjà nous entraîne dans ses bouillonnements,
Et ses remous d’écume nous chassent promptement
Comme un fétu de paille emporté par le vent.

Il pleut dans la piscine

Il pleut dans la piscine aux teintes bleu-lagon,
Gris le ciel au-dessus qui pleure son eau douce.
Cette légère ondée doucement m’éclabousse.
Chaque goutte qui tombe rejaillit en rebond,
Créant sur le miroir limpide tout un champ
De stalagmites d’eau, graciles et brillantes ;
Perles en suspension hérissant la surface
De sculptures liquides qui rythment en cadence,
Avant que leur magie peu à peu ne s’efface
De cette eau où frémit encor leur rémanence,
La paisible harmonie du ballet de la pluie.
 
À côté s’éparpille toute une galaxie
De grosses bulles d’air dont les capsules fines
Sèment leurs demi-sphères sur l’onde qui décline
La symphonie des gris revêtus par le ciel,
Imprégnant nos rétines des beautés entrevues.
Le cœur à l’unisson, quiétude infinie,
S’accorde au diapason de cette eau qui ruisselle
Et le corps immergé disparaît à la vue,
Plongé de sa hauteur dans le liquide tiède,
Tel un fœtus heureux…

Chassé-croisé

Chassé-croisé des vacanciers ;
Ceux qui arrivent, ceux qui partent
Avec valises, poussettes, sacs,
Ceux qui traînent, ceux qui se hâtent,
Le teint hâlé ou les traits las
Des mois de travail écoulés…
 
Circulation de tous côtés,
Les yeux rivés sur l’affichage
Des trains qui arrivent, qui partent,
Et les tensions se font palpables
Entre fatigue et bousculades ;
Déjà blasés d’être rentrés
Ou stressés avant leur départ
À l’idée d’être refoulés
Pour deux minutes de retard…
 
Chassé-croisé des vacanciers ;
Journée rouge ou bien journée noire,
Chacun s’affaire dans la gare
Comme autant de fourmis zélées…
Et quand un quai est annoncé,
Dans un mouvement général
Les passagers qui patientaient
Suivent la même trajectoire.
 
Portiques de sécurité ;
Derniers au revoir et baisers,
Encor un effort pour montrer
Patte blanche avant de trouver
Le compartiment indiqué
Sur son portable ou son billet ;
 
Et quand on s’est bien installé
À la place numérotée
Qui nous était attribuée,
On peut enfin se relâcher
Et peut-être se demander
Si le temps passé en trajets
Fait aussi partie des vacances,
En permettant de s’immerger
Peu à peu dans une autre ambiance.

AVC

Lorsque survient l’attaque
Cela ne prévient pas.
C’est un coup de matraque
Qui nous laisse sans voix.
 
On s’estime lésé
Au plus profond de soi
En se trouvant privé
D’une partie de soi.
 
Devenu prisonnier
De ce corps familier
Qui lors ne répond pas
Comme on le souhaiterait,
 
Il nous faut entamer
Un long cheminement
Pour pouvoir accepter
Cette réalité
Qui s’impose pourtant.
 
Certains perdent l’envie
De vivre qu’ils avaient ;
Parfois ils se renferment
Et pleurent en silence,
Clôturant leur histoire
Murés dans leur souffrance.
 
D’autres, plus révoltés
Trouvent un exutoire
Pour vider leur colère
Et jamais ne tolèrent
L’idée même de perdre,
Faute d’autonomie,
Leur liberté chérie.
 
D’autres, pleins de regrets,
Ouvertement s’accusent,
Présentent leurs excuses
Pour l’embarras causé ;
Tellement malheureux
D’être ainsi dépendants
De proches dévoués…
 
Et toute la candeur
Qui paraît dans leurs yeux
Dépasse leur douleur ;
Mais leur regard touchant
Nous broie de l’intérieur.

Amour secret

Réflexions après la lecture du poème de Félix Arvers : « L’amour caché »  


Un amoureux transi qui ne s’annonce pas,
Une femme inconsciente de la chance qu’elle a
D’inspirer un amour aussi beau que sincère…
N’est-ce pas, à vrai dire, un brin paradoxal ?
 
Ainsi que Cyrano pour la belle Roxane
Combien de soupirants ont préféré se taire
Plutôt que d’avouer leurs plus tendres penchants
À l’élue de leur cœur, brisant là toute chance
Si minime soit-elle de vivre pleinement,
Dans toute sa lumière, leur destin singulier ;
Et craignant de tout perdre sont passés à côté
D’un certes hypothétique, mais possible pourtant,
Dénouement positif à l’avenir riant… ?
 
Vous redoutez le pire, pourquoi cette frayeur ?
On peut-être éconduit et trouver le bonheur
Auprès d’un autre cœur un peu trop solitaire,
Car il y a sur Terre tant d’âmes délaissées
Ne demandant pas mieux que de connaître enfin
L’amour même imparfait, promis par les humains,
Qui apporte parfois son épilogue heureux
À celui ou à celle qui garde une fenêtre
Ouverte sur son cœur, en rêvant d’être deux…