– À T. –
– À ce triste pays que je vois s’enliser… –
Il suffit d’un instant pour être délesté
De ce que l’on avait honnêtement gagné,
Malgré ce serviteur, fidèle s’il en est ;
Ce fringant destrier aux éclats argentés
Qui sillonnait la ville et vous en évadait,
Vous ramenant toujours aux portes du foyer.
Il suffit d’un instant pour être dépouillé,
Comme aux temps reculés jalonnant notre histoire ;
Ces époques barbares si souvent décriées
Où malandrins en nombre venaient vous détrousser,
Brigands dissimulés dans de sombres forêts,
Bandits de grands chemins sans peur et sans pitié.
Il suffit d’un instant presque inimaginable
Pour que la force hostile et la brutalité
Gratuite se déchaînent contre un être isolé,
Désarmé, vulnérable ; expérience palpable ;
Trois contre un c’est facile, et vraiment pitoyable
Si l’on a ne serait-ce qu’un peu de dignité !
Il n’est pas conseillé d’aller seul aujourd’hui
Dans des lieux délaissés, lorsque tombe la nuit,
Au risque prévisible de devenir la cible
De tant de tristes sires à l’affût d’un butin.
Quelle époque sinistre pour les âmes sensibles ;
La lune en ses quartiers est le muet témoin
De crimes et délits se succédant sans fin.