Buveur d’écume

– À T. L.-C. –

Buveur de brume, buveur d’écume,

Buveur de temps, impénitent,

Buveur de prose, faiseur de vers,

Buveur de rêves, cueilleur de roses,

Buveur d’histoires, buveur d’orages,

Buveur d’eau, de vie, de thé vert,

Buveur de rosée, de nectar,

Buveur de nuit, ou d’arc-en-ciel,

Buveur d’étoiles dans les cieux noirs,

Buveur d’océans outremer,

Buveur de larmes, buveur d’espoir,

De poésie et de lumière.


Poème inspiré par le titre du livre de Guillaume Gallienne :

Le buveur de brume.

Faire le deuil

– Aux mutilés de guerre ou de la vie civile

qui peinent à se reconstruire. –


De ces années passées où tout nous souriait,

Faire pourtant le deuil, malgré tant de regrets,

D’une part de soi-même qu’il faut abandonner.

Faire la paix avec son être,

Dès lors, apprendre à regarder

Autrement ce sur quoi, hier,

L’on pouvait sans même y penser

S’appuyer avec fermeté.

Chercher d’inédites idées,

Dépasser ses propres limites,

Toujours plus loin s’aventurer,

Vers de nouvelles réussites.

Ne pas se résoudre à rester

En marge de sa propre vie,

Continuer à s’éveiller,

Même invalide et amoindri ;

Tenter de se réinventer,

Malgré l’âge et la maladie,

Puiser en nous cette énergie

Qui donne le goût d’exister

Dans une nouvelle harmonie.

Dédicace au Grand Palais

La foule se rassemble, s’éloigne, s’éparpille,

Se resserre, serpente, de cordons noirs sertie.

De toutes les couleurs, les livres se déclinent,

S’étalent sur des tables ou par strates s’empilent,

Découverts au hasard et lus en diagonale

Ou longtemps feuilletés, en immersion totale.

Le regard absorbé s’attarde sur leurs pages

En glanant au passage quelque intrigante phrase,

Picorant quelques mots, quelques vers délicats,

Avec délectation, loin des menus tracas.

Pour soi ou pour offrir à quelqu’un de son choix,

Bien des livres circulent pour notre grande joie,

Et l’heureuse fortune d’auteurs plébiscités

Par tous ces visiteurs attendant patiemment

Le moment espéré d’un échange inspirant.

Il suffit d’un instant

– À T. –
– À ce triste pays que je vois s’enliser… –

Il suffit d’un instant pour être délesté

De ce que l’on avait honnêtement gagné,

Malgré ce serviteur, fidèle s’il en est ;

Ce fringant destrier aux éclats argentés

Qui sillonnait la ville et vous en évadait,

Vous ramenant toujours aux portes du foyer.

Il suffit d’un instant pour être dépouillé,

Comme aux temps reculés jalonnant notre histoire ;

Ces époques barbares si souvent décriées

Où malandrins en nombre venaient vous détrousser,

Brigands dissimulés dans de sombres forêts,

Bandits de grands chemins sans peur et sans pitié.

Il suffit d’un instant presque inimaginable

Pour que la force hostile et la brutalité

Gratuite se déchaînent contre un être isolé,

Désarmé, vulnérable ; expérience palpable ;

Trois contre un c’est facile, et vraiment pitoyable

Si l’on a ne serait-ce qu’un peu de dignité !

Il n’est pas conseillé d’aller seul aujourd’hui

Dans des lieux délaissés, lorsque tombe la nuit,

Au risque prévisible de devenir la cible

De tant de tristes sires à l’affût d’un butin.

Quelle époque sinistre pour les âmes sensibles ;

La lune en ses quartiers est le muet témoin

De crimes et délits se succédant sans fin.

Palais du livre

Sous l’immense coupole de ce temple de verre

Où sont entreposés tant de livres divers,

L’on marche et l’on furète, toujours à la recherche

D’un trésor oublié, apparent ou caché,

Fait de rimes ou non mais joliment tissé

De mots venant à soi telle une pluie d’été,

Rafraîchissante ondée nous comblant du mystère

D’émotions éphémères, de sentiments mêlés,

Heureux de dénicher l’ouvrage qui nous plaît.