Kalinka

Il est vingt et une heures, je quitte le travail
On est samedi soir et les rues sont remplies
De gens qui sont sortis pour aller au spectacle.
La file s’organise et s’allonge sans fin,
Se pressant à l’entrée, elle longe la façade
Contourne le théâtre, joyeux serpent humain.

Là des policiers veillent, dehors ou en voiture.
Ils ont bloqué la rue pour la rendre plus sûre.
Je passe devant eux, poursuivant mon chemin
Et prends sans y penser les transports en commun.

Parmi ces voyageurs souvent indifférents,
Issus probablement de tous les continents,
D’un camaïeu de villes, de pays, de régions,
Perdus dans leurs pensées ou pris par leur écran,
La lecture d’un livre, une conversation,
On se prend à guetter d’où proviennent les sons
Qu’un artiste aux doigts vifs sort de son instrument,
Changeant notre train-train en un moment festif.

Cet accordéoniste qui se met à jouer,
Chantant des ritournelles mille fois fredonnées,
Met de l’animation dans le compartiment.
Quelques-uns se renfrognent d’être ainsi dérangés
Et retournent au plus vite à leur activité,
Concentrés, sans même écouter la musique.

Il chante et tout à coup son chant fait chavirer
Le cœur d’un passager un peu alcoolisé
Qui l’interpelle en russe et lui dit de venir
Jouer tout près de lui, des chants de son pays :
« Katyusha », « Le Temps des fleurs » et « Kalinka Malinka ».
Le musicien s’exécute, joue et chante « Kalinka »
Et l’autre encore une fois redemande « Kalinka »
Puis il se lève et titube tout en dansant « Kalinka » :

« Hei ! Kalinka, Kalinka, Kalinka moya !
V sadu yagoda malinka, malinka moya !
Hei ! Kalinka, Kalinka, Kalinka moya !
V sadu yagoda malinka, malinka moya ! »

Et c’est toute mon enfance qui remonte d’un seul coup
Dans ces chansons folkloriques qu’il me plaisait de chanter,
Qui nous invitent à la danse et transmettent la beauté,
La passion du peuple russe, mêlant avec énergie
Nostalgie et joie de vivre, poésie et amour fou.

Elagage

Des gouttes ont tacheté les trottoirs de la ville,
Décorant le bitume de mille confettis
De pois gris anthracite.

Des hommes, et des machines,
S’activent autour des arbres
Qu’ils entourent et élaguent
Un par un, sans répit.
On entend le moteur de la scie électrique
Vrombir de loin en loin.

Diffusant le parfum boisé de leur résine,
Les feuillages, encore verts, s’envolent dans les airs
Et retombent en pluie,
En tapissant le sol d’un réseau végétal
Trop vite balayé et placé dans des sacs.

Surtout ne rien laisser traîner sur la voirie,
Pour que la route perde ce côté campagnard
Qui pourrait faire désordre si l’on n’y prend pas garde,
Et nous donner l’envie soudaine de partir
Rejoindre la nature dont l’absence nous mine…
Novembre peu à peu s’installe et prend ses marques.

On court partout

On court partout, c’est illusoire,
Du petit matin jusqu’au soir,
On vaque à ses occupations
Sans trop se poser de questions.

On travaille et l’on se sent pris
Dans le tourbillon de la vie,
La folle spirale des jours,
Sans aucun espoir de retour
Jusqu’à ce qu’elle stoppe aussi.

De temps en temps certes l’on pense
Que ce n’est pas ça la vraie vie ;
Et quand reviennent les vacances
C’est une évidence, pardi !
On se dit que notre existence
Vaut bien mieux que cette routine
Où s’engluent nos vies citadines.

On profite et l’on est content
De respirer un peu d’air pur
De se plonger dans la nature,
D’oublier cette conjoncture
Si peu propice du moment…

Alors on se plaît à rêver
Devant une belle toile
À une pluie d’étoiles,
Au soleil qui se lève,
Nous réchauffe et caresse
De ses rayons de miel
Notre âme endolorie,
Privée de poésie.

Mais cela n’a qu’un temps,
Pester ne sert à rien ;
Le train-train quotidien
Nous rattrape bien vite.
À nouveau notre cœur
Se retrouve en transit
Et notre corps se plie
À ce que l’on attend
Tout bonnement de lui.

Attrape-rêves

Mes amis m’ont offert
Pour mon anniversaire,
En petit pendentif
Accroché à sa chaîne,
Un bel attrape-rêves…
Vais-je les attraper ?
Pourrai-je réussir
À les réaliser ?
Ce défi m’appartient.

J’ai pris la décision
De me reprendre en main,
Cesser de tout remettre
Toujours au lendemain,
Vivre mes convictions,
Trouver en quoi je puis
Être vraiment utile.

Et dès que c’est possible
Faire un tout petit pas
Pour savourer enfin
Les années qui arrivent.