A l’instant t

– À Lola G. –


À l’instant t, au moment m,
Juste avant d’écrire ta lettre,
En amont, pendant et après,
Que t’est-il passé par la tête ?
 
À l’instant t, au moment m,
Juste avant de quitter la scène,
Quelles ont pu être tes pensées
Pour que tu renonces aux années
Qui t’ouvraient largement leurs ailes ?
 
Était-ce un manque de tendresse ?
Était-ce un trop plein de tristesse ;
Le contrecoup d’une nouvelle
Trop difficile à accepter ?
Ou la perte d’un être cher,
Douloureusement regretté,
Que l’on ne peut plus supporter ?
 
Ou ce bonheur très éphémère
Que l’on aimerait prolonger
Aujourd’hui, demain et après,
Pour que cette douce lumière
Qui donne à la vie sa beauté
Ne cesse jamais de briller ?
 
À l’instant t, au moment m,
Juste avant de franchir le pas
Et commettre ce dernier geste
Qui t’arrache au monde réel
Pour t’emmener vers l’au-delà,
Quelles pensées t’ont traversée
Pour que tu cesses d’espérer ?
 
Quand tu as pris ta décision,
Quand tu as choisi de poser
Un point final à cette vie
Qui ne faisait que commencer,
N’as-tu pas eu d’hésitation ?
Qui pouvait t’en dissuader ?
 
À l’instant t, au moment m,
Nous aurions pu te dire : « Je t’aime »
Et peut-être t’influencer,
Changeant ton destin à jamais…
Mais pouvions-nous imaginer
Que dans ta chambre d’étudiante,
Tu préparais en grand secret
Ce départ qui depuis me hante ?
 
Je sais bien que tu as pensé
À celles et ceux qui t’aimaient,
Et que c’était ta volonté
De leur épargner cette peine…
Comment exaucer ton souhait
Tandis qu’aujourd’hui mon cœur saigne ?

Je pense à toi, Lola

– À Lola G. –


Je pense à toi Lola,
Jeune fille pétillante
Avenante et joyeuse,
Ouverte, lumineuse ;
Musicienne au lycée,
Quand je t’ai rencontrée,
Passionnée de théâtre,
Aimant bien partager
Tes goûts et tes idées…
 
C’est la fin de cet acte,
Il n’y a plus d’entracte,
La pièce est terminée.
C’était ta liberté…
 
Je pense à toi Lola,
À ton joli minois
Piqueté de rousseur,
À tes yeux d’océan,
Limpides et confiants,
Ton rire, ta douceur ;
 
Tu pars avant Noël ;
Avant que les journées
Ne s’allongent et s’éclairent,
Avant que le printemps
Ne réchauffe la terre
Et caresse ta peau,
Avant que l’hirondelle
Ne t’apporte en cadeau
Les clefs de ce mystère
Qui fait le jour plus beau…
 
Quelle affreuse nouvelle
Pour tous ceux qui t’aimaient…
Tant de questions m’assaillent…
Tellement de regrets…
 
Il fait gris, il fait froid,
La pluie mouille les toits,
Mais tu es désormais
À l’abri de cela…
Repose en paix Lola,
Nous ne t’oublierons pas.

C’est vrai que la vie passe

– À ma sœur –

C’est vrai que la vie passe,
Et la vie passe vite.
Je me souviens d’hier,
Je me revois petite
 
Mais le temps a filé,
En mois et en années ;
Mes cheveux ont blanchi
Et ma peau s’est marquée.
 
C’est vrai que la vie passe
Et la vie passe vite.
Tant d’instants nous échappent ;
Des routes se séparent,
Des êtres chers nous quittent…
 
L’épreuve traversée
Nous peine, nous grandit,
Bouleverse nos vies ;
Nous montre des chemins
Par lesquels sont passés
D’autres êtres humains ;
 
Alors, modestement,
Nous tâchons de poser
Nos pas sur les sentiers
De sagesse et de paix,
Laissés par nos aînés.

Quelques nuances de gris

Gris souris, gris tourterelle,
Gris argenté ou gris perle,
Gris limaille, gris acier,
Gris béton à satiété
 
Gris ardoise, gris bitume,
Gris du zinc ou de la brume,
Gris anthracite, gris flaque,
Vernis brillant ou gris mat
 
Gris neutre, cendré, chiné,
Graphite, tôle ondulée,
Gris plomb, étain, gris fumée,
Gris profond ou gris léger
 
Gris gouttière, gris brouillard,
Gris poussière, gris caviar,
Gris orage, gris ciment,
Gris sali des bâtiments
 
Gris de la pluie qui dévale
Les toits de la capitale
Et laque chaque pavé
Disposé sur la chaussée.

Réveil

L’aube peine à se lever,
J’ai les paupières trop lourdes
Pour pouvoir les soulever.
Aussi pesant qu’une pierre
Mon corps ne veut plus bouger !
 
Le jour peine à se montrer ;
J’ai le cerveau embrumé.
Le silence est là qui règne
Autour de moi, dans la pièce,
Et quand j’entends le réveil
Déclencher sa sonnerie,
Je me sens tout engourdie.
 
Je l’éteins comme en un rêve,
Dans l’inconscience d’un geste
Fait trop machinalement,
Puis retourne dans mon lit
Pour prolonger un moment
Le bien-être de la nuit ;
 
Avant que le gris du ciel
N’ouvre à demi mes paupières
Et que soudain je m’éveille
En pleine réalité,
Prête enfin à savourer
Cette journée qui m’appelle.