Six mois sur TLP

Six mois sur TLP, et je me sens renaître.
Ce rendez-vous discret, chargé en émotions,
Moment privilégié propre à la création
Où l’écran lumineux ouvre en grand sa fenêtre,
Est devenu pour moi quasi incontournable.

Lorsque je ne peux pas m’y rendre quelques temps,
Je sens une impatience qui peu à peu me gagne.
Je pense à tous les textes qui s’écrivent là-bas,
Que je ne peux pas lire ou que je n’écris pas ;

À tous ces coups de cœur, ces pensées, ces alarmes
À tous les coups de gueule qui éclatent, et soulagent,
Les phobies, les douleurs, les amours, les nuages,
À ces rêves d’ailleurs, ces récits de voyages,
Ces mots simples, naïfs, ou plus sophistiqués,
Sincères, fastueux, savants ou familiers,
La beauté, la laideur, ces élans magnifiques,
Ces états des lieux tristes, apportant cependant
Leur pierre à l’édifice des textes poétiques.

À tous ces petits riens posés sur le chemin,
Que l’on trouve en passant, que l’on cueille ou respire,
Qui font qu’il est si bon de vivre pleinement
Pour goûter les surprises que la vie nous inspire ;
Amères ou sucrées, aigre-douces, ou acides,
Qui font rire, sourire, ou donnent le frisson,
Nous font monter les larmes, ou bien froncer le front,
Nous secouent ou nous charment, nous changent d’horizons…

Le chant du doudouk

C’est le chant douloureux du doudouk arménien ;
Voix profonde et poignante d’un peuple abandonné,
Qui a connu l’enfer en se voyant soudain
Livré aux yeux du monde à cette barbarie
Dont seul un « être humain » peut se rendre coupable,
En enfreignant la loi qui préserve la vie
Et commettant le pire en toute impunité.
 
C’est la plainte des âmes que l’on a sacrifiées
Sous des prétextes vils, crimes inqualifiables,
Héros et héroïnes injustement tombés
Sans renier leur Dieu, sur leur terre natale,
Pour garder cette flamme qui brille dans leurs yeux
Jusque dans le secret de leur éternité.
 
C’est un chant langoureux au timbre chaud et grave,
Évoquant la ferveur, le courage des braves,
Troublante mélodie aux accents admirables,
Douces sonorités venues du chœur des anges
Qui attendent là-haut, en chantant leurs louanges,
D’entrouvrir le passage aux âmes méritantes.
 
C’est le souffle du vent, le long des vastes plaines,
C’est le ruisseau qui court et jaillit aux fontaines,
C’est l’appel des montagnes aux neiges éternelles,
L’oscillation du lac qui ressource et apaise ;
 
C’est la voix des forêts bruissant des mille vies
Qui peuplent ses fourrés, et lorsque vient la nuit,
L’envoûtante musique qui peu à peu vous gagne
Par sa mélancolie, vous émeut jusqu’aux larmes.

Arbres d’automne

Sagement alignés
Tout le long du trottoir,
Les arbres d’ornement
Arborent fièrement
Leur costume rouillé,
Et leurs branches saupoudrent
En un moelleux tapis
De très fines languettes
De plumettes cuivrées.

Les Platanes ont bruni.
Près de la cour d’école
Le Ginko biloba
Sème ses écus d’or
Sur le sol, à mes pieds.

Du côté du marché,
Les Copalmes ont lancé
Leur Collection d’Automne ;
Quelques feuilles, encor vertes
Jouent les prolongations.
Clairsemées elles s’étonnent
De changer de saison,
Mêlées aux feuilles ocre,
Jaunes, rouges, orangées.

Peu à peu elles revêtent
Des teintes nuancées
Et flamboient quelques temps,
Avant de disparaître
Pour se désagréger,
Enrichissant la terre
Jusqu’au prochain printemps.

La solitude

La solitude est là, qui veille,
Elle nous guette, sombre et tenace,
Elle nous suit même à la trace
Et lentement nous désespère,
Finit par nous coller aux basques.

La solitude nous isole,
Elle fait le compte patiemment
Des amis et des camarades,
Des collègues, des relations,
Jusqu’à ce que notre entourage
Réduit à sa simple expression
Disparaisse de nos parages.

La solitude fait ressasser,
Avant de s’être délitée,
La chère époque évanouie
Où vivaient encore nos parents,
Où les copains étaient présents
Et l’amour transcendait la vie.

Mais quand les parents sont partis,
Que les amis nous ont quitté,
Quand les enfants vivent leur vie,
Que nous nous sommes dispersés,
Quand l’amour même a déserté ;
L’on se retrouve abandonné,
Livré à cette solitude
Que l’on endure désormais.

La solitude est le prélude
De cette mort lente annoncée,
Quand les êtres chers ont quitté
La douce place qu’ils prenaient
Hier encore, à nos côtés ;

Plane alors l’ombre des absents
Pour endeuiller le temps présent
En ravivant nos souvenirs,
Pour ternir jusqu’à nos sourires
Ou maquiller nos maigres rires
Et se retrouver impuissant,
Debout et seul, face au néant.

Hommage à Charles Aznavour

Il est mort le poète,
L’artiste infatigable
Qui parcourait le monde,
Au gré de ses concerts,
Et l’Arménie en deuil
Perd son ambassadeur.

L’habile chansonnier
Aux harmonies célèbres,
Aux textes ciselés
Qui restent dans la tête
Bien après que l’écho
De ses vers musicaux
Ne se soit dissipé,

Avait su composer
Les émouvants portraits
De tant de personnages
Dont on peut bien souvent
Reconnaître un visage
Ainsi que des épreuves
Que l’on a traversées,

Des paroles écrites
En dépit des critiques
Avec intelligence,
Talent et exigence,
Sobrement exprimées
Comme il savait le faire
Dans la langue si belle
Qui nous vient de Molière,

Dans un vocabulaire
Soigneusement choisi,
Riche de poésie,
Pour viser juste et bien
Et décocher sa flèche
Dans des cœurs peu enclins
Aux chants dits « populaires ».

Celui dont la carrière
A fait des étincelles
Au sein de l’Hexagone,
Des terres d’Outre-mer,
Des pays francophones,
Et s’était distingué
À l’international
Comme étant une star
Vraiment incontournable,

Nous quitte mais il laisse
Des milliers de chansons
Chantées à l’unisson,
Des fans inconsolables
Un peuple bouleversé…
Et tous ceux qui l’aimaient,
De France et de Navarre
Ou dans le monde entier,
Pleurent un camarade,

Un compagnon fidèle
Dont le charme discret,
La voix particulière,
Les mélodies espiègles,
Tendres et mélancoliques,
Douloureuses ou amères
Aux couleurs de l’amour,
Captivant son public,

Ont fait sa renommée
Tout autour de la Terre
En plus d’accompagner
Nos plus belles années,
Et vont continuer
Leur course planétaire
Et poursuivre ce tour
De chant inachevé.