L’oubli

– À mon cher oncle –


Oublier peu à peu, lentement, par degrés,
Toutes les belles choses que l’on avait aimées,
Oublier cette vie modeste de labeur
Où l’on a savouré chaque petit bonheur
 
Oublier les paroles, oublier les visages,
Ceux qui nous ont porté, guidé jusqu’à cet âge,
Ceux qui nous ont promis des châteaux en Espagne,
Ceux qui nous ont offert un bateau, une escale
 
Oublier son enfance et les combats menés,
Ceux qui nous ont permis de laisser une trace
Et de se regarder sans honte dans la glace ;
Oublier la présence des proches désarmés,
 
Oublier son passé.

Le jour de la Saint Juste

Le jour de la Saint Juste,

Sur l’autel des prières,

J’ai allumé un cierge

Pour votre beau pays


Après toutes vos peines,

Grâce à cette neuvaine,

Viendra bientôt j’espère

La paix en Arménie.


Le jour de la Saint Juste,

Sur l’autel des prières,

J’ai allumé un cierge

Pour votre cher pays


Afin que la lumière

De notre humanité,

Qui brille pour les Justes

Œuvrant sur cette Terre,


Garde en son feu sacré

Nos sœurs et nos frères

D’Artsakh et d’Arménie,

Et préserve leur vie.

Au numéro vingt-deux

C’était notre maison, c’était notre demeure,
Un lieu cher à nos cœurs, chaleureux et ouvert
Où l’on se retrouvait toujours avec bonheur,
Pour parler de la vie, dès que nous le pouvions.
C’était ton univers et nous le partagions
Tout naturellement, comme si ces moments
Qui nourrissent l’esprit devaient durer cent ans.
 
C’était notre maison et c’était mon refuge,
Loin du monde bruyant et de ses subterfuges,
L’intime confidence balayant mes scrupules
D’être une funambule sur le fil des espoirs
Tissés dans ton regard, sans autre échappatoire
Que suivre jusqu’au bout l’écheveau déroulé
Qui réconforte l’âme et guide les pensées.
 
C’était notre maison, un endroit hors du temps,
Un lieu de création, d’échange, de partage,
Où venaient discuter tes amis de passage
Grignotant sur le pouce et trinquant au présent.
C’était notre maison et ta voix l’habitait
Des œuvres et des noms d’illustres personnages
Et des douces chansons qui traversent les âges.
 
C’était notre maison et c’était notre abri,
Témoin de nos élans et de tous les soucis
Qui grignotent les jours et nous gâchent la vie…
C’était notre maison, mais elle ne l’est plus ;
Cette page est tournée, nous n’y reviendrons plus.

Nuit haïtienne

– Hommage à Farah-Martine Lhérisson –


Nuit haïtienne, quartier privé,
Une agression à main armée.
Soirée d’effroi, vies sacrifiées,
Trois coups de feu auront suffi
Pour décimer une famille.
 
C’est un coup dur pour ce pays,
Un manque pour la poésie ;
Une Plume s’est envolée
Mais ses poèmes resteront
Pour parfaire son oraison
Et nous fredonner sa chanson.

Marie la douce

Installée près de la vitrine

Luxueuse d’un quartier chic,

Marie la douce, tu éclabousses

De ton regard sans artifice

Le boulevard des Capucines.

Sous le soleil du mois de mai

Tu es plus belle que bien des femmes

Qui se promènent, très apprêtées,

Dans ces rues si bien fréquentées ;

Marie sans fard, tellement digne

Que l’on ne peut rivaliser.

Avec tes gestes mesurés,

Tes pommettes rondes plissées

Sur un visage souriant

Auréolé de cheveux blancs ;

Avec ta voix calme et docile,

L’isolement que l’on devine,

Ton chariot, ton petit chien,

Et ton sac à main qui recèle

Les seuls trésors que tu possèdes,

Médaille fine et chapelet ;

Marie fluette dont la retraite

Se réduit en peau de Chagrin,

Chaque fois qu’un nouveau décret

Allège ton porte-monnaie ;

Marie frugale tu te dépannes,

Du côté de la Trinité,

Aux repas offerts en partage

À tous les défavorisés.