Mars

Déluge de pluie drue
Vent violent en rafales,
Envolées de flocons
Tourbillons dans les nues

Cliquetis des grêlons,
Giboulées qui s’installent,
Alternance d’averses
Crépitant aux fenêtres
Dans un joyeux chahut ;

Chatoiement du soleil
Le temps d’une éclaircie,
Et la terre en sommeil
Tout doucement s’éveille
Et renaît à la vie.

Paisiblement les graines
Germent sous les châssis,
Dans les jardins, les serres
Et dans tout le pays,

Lançant vers la lumière
Leurs pousses rebondies
Par l’abondante sève
Et la belle énergie
Que le printemps soulève.

Crocus et primevères,
Mimosas et jonquilles,
Délicates violettes
Ou tendres muscaris

Genêts éblouissants
Dressant leurs verges d’or
Dans le jour finissant ;
Magnolias qui arborent
Leurs boutons florissants

Aubépines, pommiers,
Pruniers et cerisiers
Aux branches habillées
En blanches mariées,

Mars ne chôme pas
Et s’en donne à cœur joie
Car, petit à petit,
Vient le vert des feuillages

Avant que les pétales
Ne leurs cèdent la place,
Tombant en confettis,
Tapissant les allées,
Les jardins, les terrasses
De leur beauté fugace.

Gel

Des branchages de givre décorent les pare-brises ;
Des semis de lichens étendent leurs réseaux
Et partagent les vitres avec ces végétaux
Que le verglas dessine. Sur le toit des autos,
Élégamment scintillent des tapis de cristaux.

L’eau saisie par le froid brille d’un nouvel éclat ;
Des bulles d’air piégées sous la couche de glace
La rendent plus opaque, et ces flaques gelées
Se brisent par endroit, s’effritant sous mes pas
Dans un craquement mat.

Sapins

Ils avaient embelli
Des maisons, des jardins,
Des entrées, des ronds-points,
D’élégantes vitrines
Décorées avec soin,
Mais Noël est passé…
Au lendemain des fêtes
On les retrouve nus,
Ou bien enveloppés
Dans de grands sacs dorés,
Entassés dans les rues.
 
Ils gisent par dizaines,
Abandonnés sur les trottoirs,
Dépouillés de ces ornements
Qui, hier encor, faisaient leur gloire ;
Toujours verts ou blanchis
De neige artificielle,
Après avoir tant fait rêver
Petits et grands, quand ils veillaient
Sur les cadeaux mis à leurs pieds…
 
Si certains sont toujours debout,
C’est que leurs troncs sont enserrés
Dans des rondins de bois coupés.
Ainsi, on les croirait plantés
Sur le bitume parisien,
Telle une forêt citadine
Privée de terre et de racines ;
Dépourvue de ce doux parfum
Boisé, aux notes de résine,
Qui donne son charme aux sapins.
 
Les épicéas ont perdu
Leurs aiguilles fines et pointues
Et livrent au vent de janvier
Les tristes branches desséchées
De leurs squelettes dénudés.
D’autres résineux sont parqués
Dans des endroits délimités
Par des barrières de métal,
Comme d’étranges prisonniers
Patientant jusqu’au tribunal.
 
Ils attendent là que l’on vienne
Les recycler en engrais vert
Pour qu’ils retournent à la terre
Qui demain reverra pousser
D’autres forêts de conifères
Qui à leur tour seront coupés…
Et la boucle sera bouclée.

Poésie du Nouvel An

Le jour de l’An dévoile chacun de ses atouts

Et se pare pour nous de ses plus beaux atours.

Qui pourrait résister à ce joli cadeau ?

Nul besoin d’un sermon ni d’un vibrant discours

Pour venir admirer le ravissant tableau

Des perles de rosée qui se teintent d’albâtre,

Soulignant des rinceaux aux courbes délicates ;
Broderies raffinées élégamment serties

De mille diamants, beautés cristallisées

Qui m’inspirent les vers de cette poésie.

Hiver au jardin

– À mon père –


Le jardin a passé son manteau de verglas,
Le givre a saupoudré de ses brillants cristaux
Objets et végétaux.
La moindre toile d’araignée,
Simple brin d’herbe, feuille mouillée,
En se parant de glace devient une œuvre d’art.
 
Le grillage a blanchi, pris dans cet air givré.
Les plantes endormies sont figées par le froid ;
Leurs feuilles sont ourlées de festons de glaçons
Qui réhaussent de blanc leurs tiges et bourgeons.
 
L’eau de pluie qui stagnait au fond de l’arrosoir
Ou dans les seaux restés dehors, au potager,
S’est changée dans la nuit en une patinoire.
La terre congelée, durcie telle un caillou,
Trompe les sensations de mes pas quand je marche.
 
L’hiver qui s’installe resserre son étau.
Il me gèle les mains et me bleuit les doigts.
Rares sont les oiseaux qui sortent ce matin,
Osant poser leurs pattes raidies sur les rameaux
Des arbres engourdis ; ils en restent sans voix.