Douleur

Lancinante ou fulgurante,
Déchirante ou irradiante,
Tolérable ou intenable,
Permanente ou plus fugace,
Régulière ou plus fantasque,
Anticipée ou soudaine,
La douleur est là qui règne
Sur le corps ou le cerveau,
Réduisant l’être à ses maux.
 
Chacun des nerfs en présence
Déclenche à sa convenance
Un arsenal de tourments,
Des faibles aux plus puissants…
Pourquoi nier la souffrance
Supportée avec vaillance
Par une bonne moitié
De toute l’humanité ?
 
Elle change le caractère,
Sourde à ce qui n’est pas elle ;
Elle impose l’évidence
D’une injustice réelle
Et réclame l’indulgence
Des chanceuses dispensées
De ce poids supplémentaire.
 
Elle s’étend sans état d’âme,
Quel exténuant fardeau.
Mais surtout pas d’amalgame ;
Elle ne vrille le bas-ventre,
N’irradie les reins, le dos,
Que chaque mois, quel cadeau !
C’est le tribut que certaines
Paient tout au long de leur vie
Pour être, bonheur suprême,
Une « femme à part entière »…
 
Sans connaître les mystères
De la féminité même ;
Ceux qui oseront peut-être
Les qualifier de « douillettes »
Devraient avoir éprouvé
Ce mal très particulier
Avant de les critiquer,
Car pourraient-ils endurer
Cela pendant des années ?

Sous la cascade

Sous la cascade tiède qui s’écoule sans fin,
Il est bon de sentir cette eau pleine de vie
Jaillir avec entrain ; flot ininterrompu
Tombant avec fracas dans un joyeux chahut.
 
Frappant de tout son poids les épaules, le dos,
Elle fouette le sang, ruisselle sur la peau,
Tambourine le crâne, assourdissant les bruits,
S’abat et rebondit sur le corps étourdi,
Un peu endolori sous l’impact de l’eau.
 
Elle martèle le corps avec tant d’énergie
Qu’il est bien difficile de rester à sa place
Tant on est secoué par cette cataracte
Qui déjà nous entraîne dans ses bouillonnements,
Et ses remous d’écume nous chassent promptement
Comme un fétu de paille emporté par le vent.

Il pleut dans la piscine

Il pleut dans la piscine aux teintes bleu-lagon,
Gris le ciel au-dessus qui pleure son eau douce.
Cette légère ondée doucement m’éclabousse.
Chaque goutte qui tombe rejaillit en rebond,
Créant sur le miroir limpide tout un champ
De stalagmites d’eau, graciles et brillantes ;
Perles en suspension hérissant la surface
De sculptures liquides qui rythment en cadence,
Avant que leur magie peu à peu ne s’efface
De cette eau où frémit encor leur rémanence,
La paisible harmonie du ballet de la pluie.
 
À côté s’éparpille toute une galaxie
De grosses bulles d’air dont les capsules fines
Sèment leurs demi-sphères sur l’onde qui décline
La symphonie des gris revêtus par le ciel,
Imprégnant nos rétines des beautés entrevues.
Le cœur à l’unisson, quiétude infinie,
S’accorde au diapason de cette eau qui ruisselle
Et le corps immergé disparaît à la vue,
Plongé de sa hauteur dans le liquide tiède,
Tel un fœtus heureux…

Chassé-croisé

Chassé-croisé des vacanciers ;
Ceux qui arrivent, ceux qui partent
Avec valises, poussettes, sacs,
Ceux qui traînent, ceux qui se hâtent,
Le teint hâlé ou les traits las
Des mois de travail écoulés…
 
Circulation de tous côtés,
Les yeux rivés sur l’affichage
Des trains qui arrivent, qui partent,
Et les tensions se font palpables
Entre fatigue et bousculades ;
Déjà blasés d’être rentrés
Ou stressés avant leur départ
À l’idée d’être refoulés
Pour deux minutes de retard…
 
Chassé-croisé des vacanciers ;
Journée rouge ou bien journée noire,
Chacun s’affaire dans la gare
Comme autant de fourmis zélées…
Et quand un quai est annoncé,
Dans un mouvement général
Les passagers qui patientaient
Suivent la même trajectoire.
 
Portiques de sécurité ;
Derniers au revoir et baisers,
Encor un effort pour montrer
Patte blanche avant de trouver
Le compartiment indiqué
Sur son portable ou son billet ;
 
Et quand on s’est bien installé
À la place numérotée
Qui nous était attribuée,
On peut enfin se relâcher
Et peut-être se demander
Si le temps passé en trajets
Fait aussi partie des vacances,
En permettant de s’immerger
Peu à peu dans une autre ambiance.