Dans leur maison de poupée

Dans leur maison de poupée

Aux larges parois vitrées,

Assis à des bureaux blancs ;

Costume sombre et cravate,

Chemise blanche impeccable,

Des petits hommes travaillent

Regard fixé sur l’écran,

Tapotant sur un clavier

Sans s’occuper du beau temps.

Dans leur maison de poupée

Sans vis-à-vis ni terrasse,

Chaque chose est à sa place,

Tout est savamment pensé.

Hormis le bleu des placards

Ou les damiers orangés

Identifiant l’étage,

Rien ne vient déconcentrer

Ces travailleurs policés,

Assidus et efficaces.

Dans leur maison de poupée

Parfaitement équipée,

De petits comptoirs séparent

Les couloirs désincarnés,

Laissant ouverts les espaces

Pour plus de modernité ;

Nec plus ultra recherché

Pour le bien-être affiché

De ces heureux employés.

Une jeune personne

Dans un couloir passant du métro parisien

Une jeune personne s’est placée en retrait,

Discrète silhouette aux paupières baissées ;

Dans la précarité d’un emploi incertain,

Étudiante peut-être, et privée de soutien

Rien pour la distinguer des filles de son âge

Si ce n’est un détail qui vous chavire l’âme ;

Douloureuse spirale ou phase délicate,

Elle tient dans ses mains une simple pancarte

Où sont écrits ces mots : « J’ai faim »

Une goutte échappée

Une goutte échappée sur la plaque électrique

C’est un mini ballet spontané, sans musique ;

C’est une perle d’eau ardente et frénétique ;

La goutte de rosée sur les sillons d’un disque

Dansant son mouvement telle une vraie soliste,

Vive chorégraphie fusant de tous côtés,

Avant de s’arrêter au centre de la piste

Parcourue de sursauts, puis juste soulevée

Par la respiration de son corps transparent,

Jusqu’à dissolution de l’eau dans le néant

Un pur moment de grâce inspirant ma journée

Pour ne rien laisser d’autre que la seule beauté

Du souvenir tremblant, fugace et éthéré,

D’une larme d’argent trop vite évaporée.