A travers cette image

– À Albert Hovhannisyan, Héros de l’Artsakh,

À sa mère et à sa sœur,

À Artak Hovhannisyan, son père,

À cette jeunesse sacrifiée, à ceux qui ont survécu, et à leurs familles. –


Nous t’avons découvert à travers une image,

Photo documentaire d’une guerre implacable,

Jeune artilleur œuvrant dans la fièvre et le bruit

Pour défendre les siens en servant son pays.

Nous t’avons découvert à travers cette image,

Ripostant vaillamment aux salves de missiles,

Au cœur de l’offensive, entouré par les flammes,

Et les fumées suivant le feu des projectiles.

Nous t’avons découvert à travers cette image,

Bouleversant symbole si vite propagé

D’une Arménie luttant, vive et déterminée

À garder le berceau de son identité.

Nous t’avons découvert à travers cette image,

Envoyé sur le front d’un combat sans merci

Comme tant de conscrits ayant ainsi péri,

Sous les armes de pointe de l’armée ennemie.

Nous t’avons découvert un jour d’apocalypse

Qui présageait la fin, après d’autres promesses,

D’une existence brève mais combien fière et digne,

Toi qui ne demandais qu’à vivre ta jeunesse,

Poursuivant ton chemin sous de meilleurs auspices.

Nous t’avons découvert à travers cette image,

Qui reste en la mémoire de ceux qui ont placé,

De près comme de loin, leur fol espoir en vous,

Ta fougueuse énergie rayonnant jusqu’à nous

Juste avant que ton souffle dernier soit exhalé.



Se référant à une photographie de Sipan Giulumian, et à l’occasion de l’ouverture, à Erevan,

d’une maison-musée portant le nom d’Albert, ce poème a été écrit en hommage à Albert Hovhannisyan,

héros de 19 ans tué en Artsakh à l’automne 2020.

L’humour de l’annonceur

– À l’annonceur du TGV INOUI n° 8636

Brest-Paris Montparnasse, départ 16 h 14, ce jour-là… –

La voix de l’annonceur du train grande vitesse

A changé ce voyage en allégeant ma peine.

Ses joyeux jeux de mots, son humour et sa verve,

Ont consolé mes pleurs et mon moral en berne,

Malgré la nostalgie d’un séjour qui s’achève,

Par ses fines répliques, son esprit d’à-propos,

Ses dires, faisant mouche par leur humeur espiègle,

M’ont réjoui le cœur avec zèle et brio.

Même un arbre

– À Ilan Halimi,

Aux Justes, de toutes les époques et de tous les pays. –


Même un arbre vivant qui ne saurait mot dire,

Planté pour un hommage, aux lieux du souvenir,

Même un arbre innocent dont l’ombre se décline

Au milieu d’un jardin du nom d’une victime,

Même un arbre de paix pour consoler du pire,

Face à la cruauté des auteurs de ce crime,

Même un jeune olivier peut être tronçonné,

Avec la même haine, la même lâcheté.

Lourde peine

Ta peine se diffuse

Et gagne peu à peu

Jusqu’au cœur de ton être.

Elle enfle doucement,

Infiltre le tréfonds

De tes cellules mêmes.

Tel un nuage lourd,

Elle gonfle et se traîne,

Embrume ton regard,

Se répand dans tes veines,

Et la gorge te serre

Sous l’invisible étau

De sa poigne de fer.

Alors toutes les larmes

Peuvent se déverser,

Couler sur le trottoir,

Être bues par le sable,

Au vent s’éparpiller,

La peine quant à elle

Est longue à consoler…

Là où ton cœur te mène

– À Hovhannès Haroutiounian

Va où ton cœur te mène,

Entends les battements

Du sang dans tes artères

Et choisis la lumière,

La mélodie du vent

Parcourant l’océan ;

Dans le gris des nuages,

Retiens le chant des vagues,

Le vol majestueux

D’augustes goélands

Qui traversent les cieux

Comme des voiliers blancs

Au-dessus de l’estran.