Après l’hiver

Peut-être aimerez-vous ces vers

Que je vous offre, après l’hiver,

Car je les ai écrits pour vous,

Et tous ceux qui sont assez fous

Pour plonger dans la poésie

Comme on s’immerge en un pays

Dont on entr’aperçoit la terre.              
          

Peut-être aimerez-vous ces vers

Qui vous parlent d’un univers

Né du soleil et de la pluie,

Ne faisant pas beaucoup de bruit,

Mais recelant tant de richesses

Et portant nos espoirs en lui,

Au milieu de cette folie

Qui plombe tant de fois nos vies.

Peut-être aimerez-vous ces vers,

Vibrant au rythme des saisons.

Je les ai glanés patiemment

Jusque sur les ailes du vent

Pour partager ces horizons,

En éclairant de poésie

Le cours des jours, l’ombre des nuits.

Faire le deuil

– Aux mutilés de guerre ou de la vie civile

qui peinent à se reconstruire. –


De ces années passées où tout nous souriait,

Faire pourtant le deuil, malgré tant de regrets,

D’une part de soi-même qu’il faut abandonner.

Faire la paix avec son être,

Dès lors, apprendre à regarder

Autrement ce sur quoi, hier,

L’on pouvait sans même y penser

S’appuyer avec fermeté.

Chercher d’inédites idées,

Dépasser ses propres limites,

Toujours plus loin s’aventurer,

Vers de nouvelles réussites.

Ne pas se résoudre à rester

En marge de sa propre vie,

Continuer à s’éveiller,

Même invalide et amoindri ;

Tenter de se réinventer,

Malgré l’âge et la maladie,

Puiser en nous cette énergie

Qui donne le goût d’exister

Dans une nouvelle harmonie.

Il suffit d’un instant

– À T. –
– À ce triste pays que je vois s’enliser… –

Il suffit d’un instant pour être délesté

De ce que l’on avait honnêtement gagné,

Malgré ce serviteur, fidèle s’il en est ;

Ce fringant destrier aux éclats argentés

Qui sillonnait la ville et vous en évadait,

Vous ramenant toujours aux portes du foyer.

Il suffit d’un instant pour être dépouillé,

Comme aux temps reculés jalonnant notre histoire ;

Ces époques barbares si souvent décriées

Où malandrins en nombre venaient vous détrousser,

Brigands dissimulés dans de sombres forêts,

Bandits de grands chemins sans peur et sans pitié.

Il suffit d’un instant presque inimaginable

Pour que la force hostile et la brutalité

Gratuite se déchaînent contre un être isolé,

Désarmé, vulnérable ; expérience palpable ;

Trois contre un c’est facile, et vraiment pitoyable

Si l’on a ne serait-ce qu’un peu de dignité !

Il n’est pas conseillé d’aller seul aujourd’hui

Dans des lieux délaissés, lorsque tombe la nuit,

Au risque prévisible de devenir la cible

De tant de tristes sires à l’affût d’un butin.

Quelle époque sinistre pour les âmes sensibles ;

La lune en ses quartiers est le muet témoin

De crimes et délits se succédant sans fin.

Arrivées et départs

Parce que la vie est faite d’arrivées et de départs,

Qu’il faut s’en accommoder, en s’y pliant tôt ou tard ;

Parce qu’ici ou là-bas, les distances se ressemblent,

Et bien qu’en le déplorant, nous ne serons pas ensemble ;

Puisque nous allons nous voir juste avant de nous quitter,

Que ce n’est qu’un au revoir teinté déjà de regrets,

Il ne faudra pas laisser planer sur nous la tristesse,

Chagriner ces quelques heures, les gâcher de maladresse,

Pour cultiver en nos cœurs le meilleur de ce qui est,

Et dans les mots qui demeurent, ne garder que la beauté.