Carnac

Nos ombres de géants s’allongent au couchant.
Le soleil brille encore sur la lande bretonne,
Cette terre baignée des celtiques légendes
Que des druides peut-être venus de Brocéliande
Ont bénie autrefois. Là où les korrigans
Font des farces et festoient pendant que les gens dorment.

Pays des pierres debout, mégalithes plantés
Dans les ajoncs piquants encore fleuris de jaune,
Les ronces amarantes et les bruyères roses,
Les souples genêts verts, les blondes graminées,
Les fougères roussies par les feux de l’automne,
Majestueux rochers aux étonnantes formes ;

Chauffés par les derniers rayons de la journée,
Étonnamment dressés par de lointains parents,
Tous ces blocs de granit fièrement alignés
Décorés de lichens patinés par le temps,
Colorés de tons doux, gris, verts, ocres ou blancs,
Donnent de la magie à ces lieux habités
Par les esprits venus tout droit de la forêt,
Des sources, de la terre ou bien du firmament.

Le site est entouré de solides murets,
Pierres sèches assemblées à la terre des allées.
Des arbres bordent aussi ces champs particuliers,
L’astre solaire se perd dans leur feuillage sombre
Et le ciel se colore de marbrures orangées.
Sous l’éther enflammé s’avance la pénombre.

Brouillard

Le brouillard s’est installé
Dans la nuit, à pas feutrés,
Et il a tout effacé ;
Le bruit des moteurs, les voix,
La ville, les rues, les toits,
Ce que d’habitude on voit
Quand on ouvre les rideaux.

Mais ce matin tout est gris,
Dans un silence étouffé,
La lumière se diffuse,
Étrange, comme filtrée
Par ces micro-gouttes d’eau.

Près de la porte-fenêtre,
Sur un mètre de rayon,
Je constate cependant
Que tout est resté intact.

Dans les grandes jardinières
Où se détachent les plantes
Qui peu à peu se pigmentent
D’automnales projections,

Ne restent que les oiseaux,
Qui grattent et fouillent la terre
À la recherche de vers,
Attendant des jours plus beaux.

Jour de marché

Le ciel est sans nuage
Bleu comme un jour d’été,
Le froid brûle les yeux
Et picote le nez.

Les autos stationnées
Blanchies par la gelée
Scintillent au soleil
En milliers d’étincelles.

Sur leurs toits alignés,
Un délicat duvet
Savamment hérissé
S’étend, immaculé.

Ces fragiles cristaux
Semblent être dressés
Par l’immense talent
Et l’infinie patience

De ces fées que l’hiver
Dans sa grande puissance
Entraîne dans sa danse
Inexorablement,

Offrant aux lève-tôt
La joie de contempler
L’éphémère beauté
D’un jour de février.