Neige nocturne

Uniformément gris perle
Le ciel opaque s’étend,
Moelleux et enveloppant,
Éclairé des tons pastel
Des clartés artificielles
Que la ville a piquetées
Soigneusement autour d’elle.

Blanches, bleutées, jaune pâle
Ces différentes étoiles
Tombées de la Voie lactée
Scintillent sans se lasser
En éclaboussant d’opale
Ce qui est à leur portée.

En mouchetés concentrés
La neige descend du ciel
Et grignote sans répit
Ce qu’il reste de grisaille
Travaillant vaille que vaille
Sans chercher d’autre alibi
Que son minutieux ouvrage.

Dans la cité endormie,
Recouvrant les paysages
Modelés à son image
D’un étincelant tapis,
Elle règne, souveraine,
Nitescente demoiselle,
Sur cette troublante nuit
Où le noir même est banni.

La pluie de novembre

La pluie de novembre ruisselle des toits,
Recouvrant le zinc d’une couche fine
De vernis brillant, qui capte un instant
Les faibles lueurs de ces teintes grises.

La ville est tranquille, le ciel impassible,
L’on n’entend que l’eau qui descend des toits,
Tombant goutte à goutte sur le métal froid.
Ces gouttes fusionnent et viennent se perdre,
Coulent et convergent en petits ruisseaux
Ondoyant, dociles, le long des gouttières.

Où sont les oiseaux ? Ils ne pipent mots.
On les voit parfois traverser les airs,
Se mettre à l’abri, la tête sous l’aile,
Gonflant leur plumage pour avoir plus chaud.

Feuilles mobiles

Les feuilles de novembre
Détachées sans égards
Par la pluie, les bourrasques,
Et tous les éléments
Réunis en rafales,
Ont rompu leurs amarres.

Un cycle se termine,
Démarré au printemps,
Trois splendides saisons
Avant que les maisons
Ne se couvrent d’hermine.

Pour leur seule escapade,
Libérées, elles entament,
Ivres d’air et de vent,
Un ballet étonnant ;
Puis, grisées par leur danse,
Profitant des courants,
Dans un ultime élan
Descendent en planant.

J’aime la sensation
Éprouvée en foulant
Ces brassées de feuillages
Que l’automne changeant
Laisse dans son sillage,

Pour peu que l’on s’attarde
Dans ces entassements ;
Monceaux de végétaux
En dunes aérées
Finement feuilletées,
Que l’on frôle du pied.

Ces frêles feuilles mortes
Aux multiples nuances,
Encor souples ou craquantes,
Simples, ou plus ouvragées,
Dentelées et brillantes,
Vernies ou satinées,
Puis mates et figées

Bruissent tout doucement
Quand nos pieds les écrasent
Comme un papier de soie
Froissé du bout des doigts.

Echappée bucolique

Échappée bucolique, 
Loin de tout désherbage,
La Morelle s’invite
Le long d’un vieux grillage
Et nous offre ses baies
Oblongues, délicates,
Légèrement ridées,
En grappes écarlates.

On voit dans les branchages
En partie dénudés,
Prises en flagrant délit
D’intense bavardage,
Des Pies en complet sombre,
Des Corneilles aussi
Et des Pigeons en nombre,
Insensibles au tapage.

Sur le mur qui soustrait
À nos yeux trop curieux
La vue du cimetière,
Grimpe la Vigne vierge.
Ses feuilles vernissées
Rougissent, se détachent,
Révélant la présence
D’un matelas épais
De tiges enchevêtrées,

Où des fruits bleu foncé
Subtilement pruinés,
Aux pédicelles pourpres,
Dévoilent leur attrait
En formant des guirlandes
Plutôt appétissantes ;
Précieux garde-manger
Des oiseaux affamés.