Le printemps reviendra

Jeune fille aux yeux graves,

Vois-tu s’amonceler

Dans le ciel les nuages

Et entends-tu gronder

Au lointain les orages ?

Jeune fille au cœur sage

Profite de la vie

Avant que l’ennemi

N’avance jusqu’ici,

Rougissant la prairie

De ses crimes barbares

Le printemps reviendra

Avec les hirondelles

Jouer sa mélodie

Entre fleurs et abeilles

Et le ciel sourira

Aux enfants d’Arménie.


Toile de Hovhannès Haroutiounian, « Jeune fiancée », huile sur toile, 55 x 46 cm, 2009.

Concert pour la paix

– À Monsieur Armenag Aprahamian –


Dans l’éclat précieux des dorures,

Des tapisseries, des tentures

Dont l’écrin sertit ce moment

Agrémenté des longues palmes

À l’élégance végétale

De ces Arécas verdoyants

Dans les miroirs réfléchissant

Ces beaux lustres étincelants

Aux pendeloques de cristal

Dans l’écoute attentive de ce qui nous captive ;

Ces chants bouleversants s’élevant des racines

D’un peuple qui a su transcender la douleur,

Portant avec honneur ses humaines valeurs

La pureté des voix et la beauté des sons

Jaillis des instruments à la patine ancienne,

Nous étreignent le cœur et donnent des frissons

Par le poignant écho des âmes arméniennes ;

C’est le Qanoûn tremblant aux accents nostalgiques

Des trémolos vibrant aux plectres métalliques,

Vertigineuse danse au bout des doigts agiles

Pinçant adroitement tant de cordes graciles

C’est le souffle puissant, profond et langoureux

Du Doudouk arménien au timbre chaleureux

Dont le soupir se perd dans les abricotiers,

Les montagnes, les lacs, les plaines tant aimées

Les longs crins de l’archet glissant avec aisance

Sur les cordes tendues aux chevilles sculptées,

En caresses feutrées émergeant du silence

Par la peau translucide finement étirée

Du Kamantcha lustré aux rondes résonances

C’est la danse animée des papillons légers

Des mains qui virevoltent, se posant un instant

Sur la nappe de cordes, égrenant savamment

Les notes envolées d’invisibles portées

Charme, délicatesse des gestes gracieux

Éployant sous nos yeux ces airs mélodieux

Sublimés par la hampe au chapiteau sculpté

D’une Harpe dorée joliment ouvragée

Le grand Piano de jais en costume laqué,

L’aile ébène dressée pour laisser s’échapper

Tant de cascades vives, sonores mosaïques,

Sous les doigts déliés caressant le clavier,

Dévoile avec brio ses riches harmoniques ;

Juliette de Gounod, Manon de Massenet,

Desdémone incarnée par la compositrice

Se battant pour créer, trop rare Mel Bonis,

Aram Khatchatourian célébrant Gayané

Arno Babajanyan dans sa tendre Élégie,

La berceuse émouvante de Barsegh Kanachyan

Le grand Sayat Nova, et Komitas aussi

Avec son Shushiki et son Dle Yaman

C’est Arnaud, Vladimir, Lussine, la chorale,

Anoush ou Diana, Aghavni ou Iris,

Venus avec bonheur de divers horizons

Pour charmer nos oreilles de multiples façons

Exerçant leurs talents si généreusement

Qu’ils laissent des étoiles dans nos yeux éblouis

Et, gravées dans nos cœurs, les envolées lyriques

De toutes ces musiques qui enchantent l’esprit,

Encourageant la paix et célébrant la vie.

Je voudrais peindre tes tableaux

– À Hovhannès Haroutiounian –


Je voudrais peindre tes tableaux

Avec mes vers, avec mes mots ;

La transparence et la lumière

La douceur des teintes pastel

Jusqu’au modelé de la peau

Je voudrais peindre tout cela ;

Les harmonies qui se révèlent,

Ces regards empreints de tendresse,

La confiance dans la vie même

Jusqu’aux portes de l’au-delà


Huile sur toile d’Hovhannès Haroutiounian. 146 x 114 cm. 2022

Le printemps (en cours de travail).

De vous à moi

– À Thierry L.-C.

dont les expressions poétiques m’ont charmée
et transportée bien loin du quotidien morose de la maladie…



Je vous imagine bien dans notre jardin de roses
Guettant mes mots et les muses qui inspirent votre prose ;
Les minuscules boutons se préparant en secret,
Attendant que le printemps les invite à desserrer
Les sépales ajustés de leurs délicats corsets.
 
Je vous imagine aussi, scrutant le ciel assombri
À la recherche amusée de vos chères inspirantes
Pour amarrer vos pensées à ces beautés captivantes
Dont les voilages nacrés flottent certaines soirées
Comme pour accentuer leurs célestes élégances.
 
Je vous imagine encore cherchant avec indulgence
Vos petits flambeaux d’espoir qui jouent à colin-maillard
Et se sont dissimulés d’emblée à votre regard,
Rosières effarouchées habilement dispersées
Derrière le voile opaque d’un concentré de nuées.
 
Je vous imagine-là, sur un de ces bancs déserts,
Quand la lumière décline, que les coloris se fondent,
Disparaissant peu à peu, invisible et solitaire
Dans l’encre du soir qui tombe ; une obscurité profonde
Dont l’ombre vous sied bien, car la nuit est votre écrin…
 
Je vous imagine tant assistant à ce concert
De cigognes qui craquettent dans un chœur improvisé ;
Au Pavillon Joséphine l’horloge vient de sonner
Sans que l’on puisse savoir si c’est une approbation
Ou si ce gai carillon vient déranger leur coucher.
 
Je vous imagine enfin enveloppé de mystère
Sous le regard lactescent de la lune aux doux rayons
Veillant avec attention sur l’artiste butinant
Tous les trésors de la nuit qui l’inspirent et libèrent
Le subtil enchantement des élans de création.

Nantes

Nantes, dressée sur l’estuaire,
Verse ses larmes trop amères
Sur la pierre encore brûlante
De sa superbe cathédrale
 
C’est un chef d’œuvre véritable
Qui disparaît dans ce brasier
Et s’évanouit en fumée…
 
Nous n’entendrons plus jamais l’orgue
Magnifique qui l’habitait ;
La ville pleure doucement
En répandant sur les pavés
Sa pluie de cendres délicates.
 
Il est trop tard pour les regrets,
Aimons ce qui nous est donné
Et veillons à mieux protéger
Ce que nos anciens ont créé
 
Nous offrant tant de passerelles
Pour explorer notre passé
Et retrouver un peu de l’âme
Que ces artistes nous ont léguée.