Notre-Dame est en flammes

Notre-Dame est en flammes, Quasimodo en larmes
Et nous pauvres pécheurs, amoureux et poètes,
Simples admirateurs de cette cathédrale,
Éprouvons la douleur jusqu’au fond de notre être
De ce que l’incendie a ravi pour toujours :
 
L’œuvre très maîtrisée d’habiles charpentiers
Qui savaient manier avec dextérité
Compas et herminettes, tarières et cordeaux,
Gouges, planes, marteaux, mèches, vrilles, rabots…
Qui, unissant leurs forces et tout leur savoir-faire,
Pour ajuster les poutres des chênes centenaires,
Nés des belles futaies de nos forêts françaises,
Ont créé « la Forêt », majestueux squelette
Qui tenait haut le toit du chœur et du transept
Mais aussi de la nef, depuis plus de huit siècles.
 
Notre-Dame est en flammes, quel affligeant spectacle.
Un désolant sinistre qui se joue en un acte ;
Mille tuiles de plomb protégeant sa charpente
Sont entrées en fusion, diffusant dans les nues
Cette coloration d’un ocre soutenu…
Sous ce brasier ardent s’est effondrée sa flèche !
Dans le beau ciel d’avril, sous nos yeux sidérés
Le bois de nos ancêtres disparaît en fumée.
 
Notre-Dame n’est pas qu’un superbe édifice,
Témoin muet d’époques qui se sont succédées,
Traversant notre histoire sur près de mille années
Et marquant peu à peu l’inconscient collectif ;
 
Elle résonne encore du chant de ces artistes,
Ouvriers, maîtres d’œuvre, doreurs ou ébénistes,
Sculpteurs, tailleurs de pierres, verriers, peintres, couvreurs…
Bâtisseurs de génie qui ont glissé leur cœur
Dans chacun des détails de ce trésor gothique.
 
Notre-Dame n’est pas, si splendide soit-elle,
Qu’un monument classé de notre patrimoine,
La vibrante mémoire d’une histoire ou d’un style,
L’emblème de la France et de sa capitale,
L’inspiration brillante d’un auteur de prestige
Pour une œuvre célèbre dont le titre éponyme
S’imprégnant de ce lieu a exporté la gloire,
 
Mais cette quête humaine dont le souffle impérieux
A permis de bâtir ce chef-d’œuvre admirable
En érigeant bien haut sa flèche vers les cieux
Afin de s’approcher un peu plus près de Dieu,
Rendre grâce à Marie et transcender les âmes.
 
Ce symbole de foi pour le monde chrétien
Qui offrait à Marie ce magnifique écrin
Portait haut les couleurs des valeurs qui nous fondent.
Message d’espérance, d’amour universel,
Transmission de lumière, quête spirituelle
Guidant le pèlerin pour trouver le chemin
Dans le grand labyrinthe où se perd l’être humain.
 
Toujours très attractive, Notre-Dame fascine
Car ce message-là n’a pas pris une ride.
Il fallait au moins ça pour pouvoir résister
À tous les aléas jusqu’ici rencontrés.
 
L’épreuve d’aujourd’hui n’annoncerait-elle pas
La fin de l’insouciance ; qu’il faut se ressaisir,
Prendre en main son destin pour ne pas, dès demain,
Se réveiller en larmes sur les ruines fumantes
De notre beau pays ? Sonnerait-t-elle le glas
D’un avenir qui chante ? Serait-ce la mort lente
Qui gagne notre monde, sa civilisation ?
 
Notre-Dame est debout, mais encore brûlante,
La charpente est en cendres… Mais l’espoir reste en nous.

Le premier artiste

– À Hovhannès Haroutiounian –


Il était là, à l’origine

De notre humanité naissante,

Dans la nature luxuriante

Et les grottes environnantes ;

Le ciel au-dessus de la tête,

Parmi des prédateurs féroces,

Il valait mieux être véloce

Ou savoir se dissimuler

Dans quelque cachette secrète.

Il a dû se trouver petit

Face à l’immensité du monde,

Aux dangers semés à la ronde,

Aux caprices des éléments

Dont les forces incontrôlables,

Éclairs ou tonnerre qui gronde,

Avaient de quoi être effrayants.

Il a dû affronter la foudre

La sécheresse, la nuit, le froid,

Il a dû endurer sans doute

Des maux qu’on n’imagine pas ;

La terreur et les privations,

La souffrance pour aiguillon.

Il a dû se sentir fragile

Avec ses questions sans réponse

Et sa survie à assurer,

Sans que jamais il ne renonce

De toutes ses forces à lutter.


Qui, le premier de tous, a gravé dans la pierre,

Ou peint sur les parois rocheuses des cavernes,

La représentation symbolique ou réelle

D’un langage imagé, dans un puissant élan ?

Qui, un jour, a fixé dans une œuvre rupestre

Le geste spontané d’une pensée humaine,

En soufflant des pigments pour imprimer sa main,

Ou tracer au charbon le fabuleux dessin

D’un bison, d’un cheval, d’un ours ou d’un élan ?

Le jour où il s’est exprimé

A changé notre destinée ;

En transmettant son émotion,

La liberté de son regard,

L’étincelle de vérité

Qui couvait au fond de son âme,

Il a éclairé l’horizon,

Donnant sens à notre existence.



Merci à monsieur Hovhannès Haroutiounian

dont les interrogations passionnantes m’ont inspiré ce poème.

Rendez-vous avec l’Art

– À Hovhannès Haroutiounian –



Il a rendez-vous aujourd’hui,
Il a rendez-vous avec l’Art,
Un rendez-vous avec l’Histoire
Qu’il attendait impatiemment
 
Il a rendez-vous avec Lui,
L’artiste, le peintre célèbre
De ce chef-d’œuvre intemporel
Pour un tableau très inspirant
 
Il a rendez-vous avec Elle,
La belle au regard désarmant
S’éventant de plumes de paon,
Seulement coiffée d’un turban
 
Il a rendez-vous avec celle
Dont la sensuelle nudité
Offre les lignes sinueuses
De son corps et de son dos blanc
 
Il a rendez-vous avec l’œuvre,
Avec le peintre et son modèle
Avec ses couleurs, sa lumière
Au cours d’un voyage exaltant
 
Il a rendez-vous au musée
Avec pinceaux et chevalet
Et l’immense envie de plonger
Dans le mystère du talent
 
Heureux de pouvoir approcher 
L’état d’esprit de ce grand maître,
Il a rendez-vous aujourd’hui
Avec la beauté éternelle.

Qu’on lui donne un cheval

Si il a du courage,
Qu’on lui donne un cheval,

S’il a une belle âme,
Qu’il apprenne des sages,

Si il a du talent,
Qu’on lui laisse le temps
De suivre son élan
Et peaufiner son art,

Si il a le cœur pur
Et si la solitude
Pèse sur son travail,

Qu’on lui donne l’amour
Pour qu’au lever du jour
Il puisse aussi l’inclure
Au cœur de sa peinture.

Aphrodite

Ainsi donc elle est là, la belle, la superbe
L’ultime tentation des hommes qu’elle obsède,
La grande séductrice, la déesse Aphrodite !

Voici la femme extraite de sa gangue de marbre,
Une exquise personne si blanche et si diaphane,
Née de l’amour d’un homme, un sculpteur, un poète
Qui a pendant des heures, des jours et des semaines,
Taillé, poncé, poli l’objet de ses fantasmes
Sans jamais se lasser, mû par l’élan vital,
La passion de son art, le génie créateur,
Et a su exprimer l’essence du divin,
La quintessence du féminin.

Voyez cette égérie déployant ses atouts
Pour inspirer l’amour. Chacune d’entre nous
Rêverait de la voir ne serait-ce qu’un jour
Dans le cruel reflet que renvoie son miroir ;
La perfection du corps, la grâce de ses traits,
Le galbe de ses seins et celui de ses hanches
Sa charmante pudeur, la bonté qu’on devine
Et sa douceur en prime… bien que tellement froide,
On ne peut tout avoir !

Celle qui par son charme t’a aussitôt tenté
Et fait tourner la tête au point d’aller braver
La règle du musée, écrite en toutes lettres :
« INTERDIT DE TOUCHER »…
Mais séduit par les formes de la statue célèbre,
Tu la pris dans tes bras pour lui baiser les fesses,
Sous les yeux médusés du gardien stupéfait
De pareilles manières, mais peut-être amusé
D’un élan si sincère et aussi passionné.