
Quelle est cette lune
Venue saupoudrer
Ses reflets nacrés
Sur l’arbre enchanté ?
D’après le tableau de Hovhannès Haroutiounian,
L’arbre irisé, 2018
Huile sur toile, 80 x 80 cm
Quelle est cette lune
Venue saupoudrer
Ses reflets nacrés
Sur l’arbre enchanté ?
D’après le tableau de Hovhannès Haroutiounian,
L’arbre irisé, 2018
Huile sur toile, 80 x 80 cm
– À mon frère –
Tel un collectionneur, insatiable et curieux,
Qui chine avec passion, complétant peu à peu
Sa vaste collection de pièces de valeur
Avec cette rigueur nécessaire au chercheur
Explorant son domaine avec exactitude,
Notant chaque détail jusqu’à pouvoir prouver
L’hypothèse posée, avec la certitude
Du devoir accompli, sans chercher les honneurs
Ou la dextérité d’un ancien orpailleur
Passant par le tamis des poignées de graviers,
Brassant sans se lasser le fond de sa batée
Jusqu’à bien séparer des sables aurifères
Les brillantes paillettes d’un or tant convoité ;
Recueillir au matin avec la même fièvre
De l’aube les lueurs, et toutes ses couleurs ;
Devenir le gardien des beautés éphémères,
Transmettre l’émotion et partager ses rêves ;
Être vecteur de vie et passeur de lumière.
Notre-Dame est en flammes, Quasimodo en larmes
Et nous pauvres pécheurs, amoureux et poètes,
Simples admirateurs de cette cathédrale,
Éprouvons la douleur jusqu’au fond de notre être
De ce que l’incendie a ravi pour toujours :
L’œuvre très maîtrisée d’habiles charpentiers
Qui savaient manier avec dextérité
Compas et herminettes, tarières et cordeaux,
Gouges, planes, marteaux, mèches, vrilles, rabots…
Qui, unissant leurs forces et tout leur savoir-faire,
Pour ajuster les poutres des chênes centenaires,
Nés des belles futaies de nos forêts françaises,
Ont créé « la Forêt », majestueux squelette
Qui tenait haut le toit du chœur et du transept
Mais aussi de la nef, depuis plus de huit siècles.
Notre-Dame est en flammes, quel affligeant spectacle.
Un désolant sinistre qui se joue en un acte ;
Mille tuiles de plomb protégeant sa charpente
Sont entrées en fusion, diffusant dans les nues
Cette coloration d’un ocre soutenu…
Sous ce brasier ardent s’est effondrée sa flèche !
Dans le beau ciel d’avril, sous nos yeux sidérés
Le bois de nos ancêtres disparaît en fumée.
Notre-Dame n’est pas qu’un superbe édifice,
Témoin muet d’époques qui se sont succédées,
Traversant notre histoire sur près de mille années
Et marquant peu à peu l’inconscient collectif ;
Elle résonne encore du chant de ces artistes,
Ouvriers, maîtres d’œuvre, doreurs ou ébénistes,
Sculpteurs, tailleurs de pierres, verriers, peintres, couvreurs…
Bâtisseurs de génie qui ont glissé leur cœur
Dans chacun des détails de ce trésor gothique.
Notre-Dame n’est pas, si splendide soit-elle,
Qu’un monument classé de notre patrimoine,
La vibrante mémoire d’une histoire ou d’un style,
L’emblème de la France et de sa capitale,
L’inspiration brillante d’un auteur de prestige
Pour une œuvre célèbre dont le titre éponyme
S’imprégnant de ce lieu a exporté la gloire,
Mais cette quête humaine dont le souffle impérieux
A permis de bâtir ce chef-d’œuvre admirable
En érigeant bien haut sa flèche vers les cieux
Afin de s’approcher un peu plus près de Dieu,
Rendre grâce à Marie et transcender les âmes.
Ce symbole de foi pour le monde chrétien
Qui offrait à Marie ce magnifique écrin
Portait haut les couleurs des valeurs qui nous fondent.
Message d’espérance, d’amour universel,
Transmission de lumière, quête spirituelle
Guidant le pèlerin pour trouver le chemin
Dans le grand labyrinthe où se perd l’être humain.
Toujours très attractive, Notre-Dame fascine
Car ce message-là n’a pas pris une ride.
Il fallait au moins ça pour pouvoir résister
À tous les aléas jusqu’ici rencontrés.
L’épreuve d’aujourd’hui n’annoncerait-elle pas
La fin de l’insouciance ; qu’il faut se ressaisir,
Prendre en main son destin pour ne pas, dès demain,
Se réveiller en larmes sur les ruines fumantes
De notre beau pays ? Sonnerait-t-elle le glas
D’un avenir qui chante ? Serait-ce la mort lente
Qui gagne notre monde, sa civilisation ?
Notre-Dame est debout, mais encore brûlante,
La charpente est en cendres… Mais l’espoir reste en nous.
– À Hovhannès Haroutiounian –
Il était là, à l’origine
De notre humanité naissante,
Dans la nature luxuriante
Et les grottes environnantes ;
Le ciel au-dessus de la tête,
Parmi des prédateurs féroces,
Il valait mieux être véloce
Ou savoir se dissimuler
Dans quelque cachette secrète.
Il a dû se trouver petit
Face à l’immensité du monde,
Aux dangers semés à la ronde,
Aux caprices des éléments
Dont les forces incontrôlables,
Éclairs ou tonnerre qui gronde,
Avaient de quoi être effrayants.
Il a dû affronter la foudre
La sécheresse, la nuit, le froid,
Il a dû endurer sans doute
Des maux qu’on n’imagine pas ;
La terreur et les privations,
La souffrance pour aiguillon.
Il a dû se sentir fragile
Avec ses questions sans réponse
Et sa survie à assurer,
Sans que jamais il ne renonce
De toutes ses forces à lutter.
Qui, le premier de tous, a gravé dans la pierre,
Ou peint sur les parois rocheuses des cavernes,
La représentation symbolique ou réelle
D’un langage imagé, dans un puissant élan ?
Qui, un jour, a fixé dans une œuvre rupestre
Le geste spontané d’une pensée humaine,
En soufflant des pigments pour imprimer sa main,
Ou tracer au charbon le fabuleux dessin
D’un bison, d’un cheval, d’un ours ou d’un élan ?
Le jour où il s’est exprimé
A changé notre destinée ;
En transmettant son émotion,
La liberté de son regard,
L’étincelle de vérité
Qui couvait au fond de son âme,
Il a éclairé l’horizon,
Donnant sens à notre existence.
Merci à monsieur Hovhannès Haroutiounian
dont les interrogations passionnantes m’ont inspiré ce poème.
– À Hovhannès Haroutiounian –
Il a rendez-vous aujourd’hui,
Il a rendez-vous avec l’Art,
Un rendez-vous avec l’Histoire
Qu’il attendait impatiemment
Il a rendez-vous avec Lui,
L’artiste, le peintre célèbre
De ce chef-d’œuvre intemporel
Pour un tableau très inspirant
Il a rendez-vous avec Elle,
La belle au regard désarmant
S’éventant de plumes de paon,
Seulement coiffée d’un turban
Il a rendez-vous avec celle
Dont la sensuelle nudité
Offre les lignes sinueuses
De son corps et de son dos blanc
Il a rendez-vous avec l’œuvre,
Avec le peintre et son modèle
Avec ses couleurs, sa lumière
Au cours d’un voyage exaltant
Il a rendez-vous au musée
Avec pinceaux et chevalet
Et l’immense envie de plonger
Dans le mystère du talent
Heureux de pouvoir approcher
L’état d’esprit de ce grand maître,
Il a rendez-vous aujourd’hui
Avec la beauté éternelle.