Komitas

Cet éminent théologien,

Ce compositeur et poète,

Gardien des chants traditionnels

Et du répertoire arménien* ;

Collecteur devant l’éternel

De ces milliers de mélodies

Recueillies dans tout le pays

Ce cantor à la voix célèbre,

Docteur en musicologie,

Maître estimé de ses élèves

Et des grands noms qui l’approchèrent

Quand, en tournée européenne,

Il enthousiasma Debussy

Ce conférencier pédagogue,

Pianiste et chercheur exemplaire,

Préserva la musique même

Palpitant au cœur de chacun,

Transmise de bouche-à-oreille

Aux sons des instruments anciens

Et des chants sacrés millénaires

Jusqu’aux voix rythmant l’ordinaire

Des paysans œuvrant aux champs,

Des villageois dansant aux fêtes,

Des enfants jouant sans s’en faire,

Mémoire intime et populaire

Qu’il retranscrivit patiemment

Avant que cette barbarie

Ne le mure dans le silence,

Laissant s’éteindre son génie,

Mais que ces graines d’espérance

Semées au terreau de la vie,

Germant à travers les esprits,

Fleurissent dans la connaissance


*Komitas a collecté plus de deux milles pièces vocales et instrumentales arméniennes et s’est intéressé également aux chants kurdes dont il publia la première anthologie en 1904, ainsi qu’aux chants persans et turcs, notant les variations musicales entre les cultures.

En 1906, il fit une tournée triomphale en Europe.

Le 24 avril 1915, de nombreux artistes dont Komitas, furent arrêtés et emprisonnés. Beaucoup de ses notes et manuscrits furent détruits, et le traumatisme du génocide de ses compatriotes lui laissa des séquelles indélébiles.


Un bouquet de lilas

– Hommage à Khachik Harutyunyan, artiste peintre et poète,

À Emma Hakobyan, son amie sincère


Un bouquet de lilas, généreux, florissant,

Un bouquet de printemps cueilli avec tendresse,

Un bouquet lumineux au parfum pénétrant

Répandant sa fragrance avec délicatesse

Un bouquet de lilas, brassée de fleurs nouvelles,

Fraîches grappes violettes au jardin fleurissant

Un bouquet de lilas comme on offre un poème,

Son regard insistant s’attardant longuement

Un bouquet de lilas pour garder en son âme,

Devançant le soupir venu souffler sa flamme,

Le souvenir précis d’une voix, d’un visage,

Emportant avec lui ce précieux talisman

Un bouquet de lilas en hommage inspirant,

Doux présent d’un ami, moins grave d’ordinaire,

Juste avant de connaître cet ultime mystère

Recevant au trépas les derniers sacrements

Un bouquet de lilas pouvant tenir longtemps,

Disposé joliment dans un vase d’eau fraîche,

Mais dès le lendemain ses branches étaient sèches,

Ricochet d’une vie ôtée subitement

Un bouquet de lilas que l’on ne peindra pas,

Car ses vives couleurs ont rejoint la palette

Du peintre qui faisait miroiter leur éclat

Dans les yeux d’une belle aux prunelles noisette

Gardienne de ce lien sensible et fraternel

Offrant à ces deux êtres la complicité rare

D’une amitié profonde, riche et intemporelle,

Mémoire d’un talent réinventant son art

Qui pour toujours sera, et s’épanouira

Aux senteurs enivrantes d’un bouquet de lilas.

En ton jardin

– À Hovhannès Haroutiounian –

Il règne en ton jardin, à toutes les saisons,

Dans l’harmonie des tons des couleurs à foison

Il règne en ton jardin aux patientes essences,

Des pies au ventre blanc célébrant le printemps

Il règne en ton jardin, sous les notes qui dansent,

Des teintes raffinées ; symphonie des pigments

Il règne en ton jardin, profond et inspirant,

Des bouquets d’amitié, des fleurs de sentiments

Il règne en ton jardin la poésie de l’art,

Et de précieux parfums à l’intensité rare

Il règne en ton jardin le regard étonnant

D’un esprit remarquable en plein questionnement



Poème inspiré par l’œuvre d’Hovhannès Haroutiounian : « Mon jardin »

Huile sur toile, 80 x 80cm, 2024.

Entre mer et ciel

– À Hovhannès –


Entre mer et ciel il y a le vent

L’écume des vagues teintées du levant

Entre mer et ciel il y a les roses

Et les orangés dans la même osmose

Entre mer et ciel il y a l’intense

Lumière céleste couleur d’espérance

Entre mer et ciel il y a le vent

L’écume des vagues et le firmament



D’après le tableau de Hovhannès Haroutiounian,
Mer et ciel, 2023
Huile sur toile, 60 x 73 cm

La voix du poète

Une voix singulière qui monte de la terre

Pour chanter l’infini,

Une voix millénaire, traversant les murailles,

En nos cœurs recueillie.

Une voix véritable dont le chant se dévoile

Sous des strates d’écrits,

Une voix mémorable jaillissant des entrailles,

Qui murmure ou mugit.

Une voix qui s’étonne, qui chuchote, frissonne,

Fait entendre son cri,

Une voix qui se donne, durablement résonne,

Et puis s’évanouit.

Cette voix essentielle qui parfois se révèle

En nos âmes saisies,

C’est la voix du poète s’adressant aux étoiles

Et inspirant nos vies.


« Un peuple qui perd sa poésie perd son âme »

Jean-Pierre Siméon