Se peut-il, mon enfant

Se peut-il, mon enfant,

Que je ne parvienne pas

À comprendre tes non-dits,

Savoir ce que tu ressens,

Entendre ce que tu dis,

T’aimer comme tu l’attends ?

Se peut-il que tu t’infliges

D’inavouables brimades,

Pour te venger de qui,

Ou pour expier quoi ?

Quelle est cette souffrance

Que je ne comprends pas,

Mais qui pourtant te ronge,

Te laissant dans un état

Dont je m’accuse déjà ?

Se peut-il que ce lien,

Cultivé avec soin,

Injustement boudé

Par ton adolescence,

Puisse être mis à mal,

Se délite, se casse,

Ou soit endommagé

Sans rien pouvoir changer

À ce triste constat ?

Se peut-il que la vie

T’éloigne davantage,

Et que tu déménages

Pour être loin de moi ?

Cela me désespère

De ne rien savoir faire

Contre ce mal sournois.

Saisir l’instant

La vie égrène ses années, à petits pas, sans se presser.
Les peines et les joies alternent sans arrêt,
Épreuves ou récompenses se plaisent à nous surprendre.
Que ça nous plaise ou pas il faut les accueillir
Comme deux sœurs de lait.

Quand les enfants vont bien, quand les familles s’entendent
Et que l’on peut passer d’excellentes soirées,
Partager un spectacle, un concert, des idées,
Un film au cinéma, un repas chaleureux
Où l’on apprend à faire un peu mieux connaissance,
Que peut-on demander de plus à l’existence ?

Lors il faut oublier les souffrances d’hier,
Ne pas anticiper les drames de demain,
Pour saisir le moment unique et éphémère,
Cet instant si précieux où s’éclairent les yeux
Des petits, éblouis par toutes les lumières
Qui scintillent dans le ciel un peu artificiel
Du chapiteau dressé dans le Cirque d’Hiver.

Candide admiration, frissons d’appréhension,
Quand la musique entraîne dans un autre univers,
Quand le décor transporte, quand la magie opère,
On les voit devenir, le temps d’un numéro ;
Acrobate à vélo, jongleur, équilibriste,
Dompteur ou écuyère, clown ou contorsionniste.

Ce bonheur si fugace qu’on ne peut l’attraper,
Tout juste pourrait-on en caresser la traîne,
L’effleurer un instant et goûter, ô merveille,
La rosée passagère, pure, fraîche et légère
Qui étanche la soif que l’on a d’être heureux.

On met au monde

On met au monde des enfants
Parce qu’on les aime et que l’on a
Tellement d’amour à donner…
Et de la tendresse à revendre !

On pense pouvoir arriver
À les rendre heureux, les combler
De ce qui a pu nous manquer,
Hors du matériel qui nous plombe ;

On a veillé sur leur sommeil,
Sur leur santé, leurs découvertes,
On a essayé de transmettre
Ce que l’on pouvait partager,

On a pansé leurs plaies,
Consolé leurs chagrins,
Voulu leur indiquer
Quel est le droit chemin,

On a calmé leurs peurs,
Applaudi leurs exploits,
On a séché des pleurs
Sur leurs charmants minois,

On a perfusé notre amour
Tout au long des nuits et des jours,
Et tout ça pour réaliser
Que l’on s’est peut-être trompé…

A-t-on pu passer à côté
Des êtres que l’on chérissait ?
C’est difficile à accepter
Bien que cela soit souvent vrai.

En découvrant le pot aux roses
Il faut bien se remettre en cause,
Que ce soit par manque ou excès
Trouver où le bât a blessé ;

Pour en corriger les effets,
Faire un bilan sans concession
Et ne plus se laisser bercer
Par de trompeuses illusions.

Valentin

Ce matin c’est l’automne.
Un morceau de la lune
Brille encore dans le ciel,
Éclairant le sol sombre
De sa blanche lumière.

L’horizon a rosi.
Les clartés de l’aurore
Ont allumé le ciel.
Les orangés, les mauves
Colorent les nuages
Assemblés en un long
Et cotonneux rivage.

Au-delà des maisons,
Cette ligne plus grise
S’étire doucement
Dans le ciel qu’elle divise
En bandes parallèles,
Gigantesque tableau
D’un créateur céleste
Qui se refléterait
Dans le miroir de l’eau.

C’est le jour qu’à choisi
Le petit Valentin
Pour rejoindre le monde
Complexe des humains,
Tôt dans l’après-midi.

Ce début dans la vie
Est des plus prometteurs.
Des baisers, des caresses,
L’amour et la tendresse
Enveloppent l’enfant
D’une douce chaleur.

Amis proches et famille
Qui n’ont pu être là,
Ceux qui nous ont quittés
Et sont dans l’au-delà,
Se réjouissent en coulisses
De leur très grand bonheur
Et se joignent à moi
Pour souhaiter le meilleur
À ces deux jeunes gens
Qui deviennent parents.

Je suis passée ce soir

– À ma mère –


Je suis passée ce soir sous cette frondaison

Parsemée de myriades de petites étoiles

Si joliment fleuries, fraîches constellations

Soudées à leur bractée, gracile aile diaphane

Ronds faisceaux d’étamines en délicats bouquets,

Aux anthères poudrées de pollen orangé,

Minuscules calices alternant leurs sépales

À cinq petits pétales teintés de jaune pâle.

L’air tiède était chargé d’effluves odorants

Et j’ai goûté l’instant avec délectation

Sous ce vert paradis aux divines fragrances

Distillant les nuances de tendres émotions

Car après les Lilas, Glycine, Paulownia

Oranger du Mexique, Troène et Seringa,

J’aime l’odeur sucrée aux douces résonances

Que le Tilleul exhale en pleine floraison

Son parfum me renvoie aux souvenirs d’enfance

Où l’on courait heureux, le cœur plein d’innocence,

Découvrant la nature au gré de la saison,

Riches de ce qu’elle offre aux âmes vagabondes.

Ressentant par bouffées le bonheur d’être au monde

Et cette connexion à la terre profonde,

Un bien-être intérieur m’inonde à cet instant

Et j’accueille avec joie ce précieux présent.