La violette

Après la multitude de teintes des lilas,
Le mauve des glycines, celui des paulownias,
Voilà que la violette fait son apparition.
 
Venue tout droit d’Auvergne, printanière vision,
Avec ses feuilles vertes qui lui font un écrin,
La modeste diffuse son délicat parfum
À tous ceux qui se penchent au-dessus de sa tête.
 
Que de plaisirs offerts qui ne demandent rien
Qu’un peu d’humilité, de cœur et d’attention,
Pour qui sait éveiller ses sens à cette quête !
 
Le temps passe un instant en douce floraison,
L’insecte diligent récolte son pollen,
Puis elle fane, dessèche, en préparant ses graines.
 
La fleur, allégorie de notre destinée,
Nous amène en douceur à notre vérité,
Évoquant du tréfonds de sa fragilité
L’impermanence même de notre condition.

Un jour

Un jour tu prends le temps
De t’arrêter, de réfléchir,
Sur le passé, sur l’avenir…

Le jour où soudain le miroir
Cesse de renvoyer l’image
De ce que nous croyons être,
Au lieu de ce que nous sommes.

C’est l’heure du bilan qui sonne
En ce jour et en ce lieu,
À cet âge de la vie
Où fatigues et soucis
Marquent un peu plus le visage.

On a déjà vécu, on est « grand » maintenant.
Qu’est devenu l’adulte dont on rêvait, enfant ?
A-t-on suivi la route que l’on s’était fixée ?
A-t-on rêvé sa vie, a-t-on vécu ses rêves,

Comme nous l’avions lu parmi les citations
Écrites en noir ou blanc sur les cartes postales
Que nous cherchions avant, parmi les présentoirs
Des librairies que nous croisions ?

Qu’avons-nous fait de nos croyances ?
Qu’ai-je fait de mes illusions ?
Me suis-je égarée en chemin ?
Que me réserve mon destin ?
Tout cela m’effraie quand j’y pense.

Ai-je perdu ma part d’enfance ?
Je ne sais plus trop où j’en suis.
Je n’ai pas su ouvrir mes ailes
Et l’avenir me pétrifie.

Etre fort

Un mini drame
Qui se joue en un acte,
Rien que pour toi
Rien que pour moi,
Et je me sens si vulnérable
Détachée de tout ce qui a
Compté si fortement pour moi.

C’est la fin d’une époque ;
Qu’ils sont loin mes vingt ans,
Les émois, les tourments
D’un cœur adolescent…

Bien sûr qu’on ne peut pas
Laisser plus de dix ans
De sa vie derrière soi,
Comme si ça n’avait
Dès lors plus d’importance,
Comme si le passé
Était sans conséquences
Sur les choix que l’on fait.

L’avenir est brouillard…
Je pars et meurs un peu.
Me crois-tu si ce soir,
Je t’écris sans ambages
Qu’essayer d’être fort
Suppose du courage,
Demande tant d’efforts
Et rend si malheureux ?

Belle et bonne

Belle comme l’enfant
Qui sourit à sa mère,
Belle comme une nuit
Empreinte de mystère

Belle comme la pluie
À la fois douce et tiède,
Belle comme un midi
Étourdi de soleil

Belle comme l’été
Qui fait le teint vermeil,
Belle comme un matin
Engourdi de sommeil

Belle comme un refrain
Quand il reprend confiance,
Belle comme un printemps
Qui chante l’espérance

Belle comme un automne
Empourpré, flamboyant,
Bonne comme une pomme
Croquée à belles dents

Belle comme l’hiver
Dans sa blanche lumière,
Belle comme un frisson
D’alizé sur l’eau claire…

La vie est tout cela
Et même davantage,
Elle glisse des doigts
Comme l’eau d’une larme
Sur une joue de femme ;

Je ne peux ni ne dois
La retenir en cage
Dans aucune des pages
Que je noircis pour toi.

Condoléances

Un message barré de gris

Pour annoncer, si noir sur blanc,

Le triste décès d’un ami,

D’un proche ou d’un lointain parent

Un message barré de gris,

Imprimé sur papier glacé ;

Aussi froid que le corps sans vie

De l’être qui nous a quitté

Un message barré de gris,

Et les mots nous semblent si nus ;

Bien que l’on connaisse l’issue

Dès que l’on entre dans la vie

Un message barré de gris

Qui porte la mort aux vivants

Pour rappeler que le temps fuit,

Et que nous sommes les suivants