Incantation à la lune

– À L. –


Lune qui règne sans partage

Sur les marées et sur les femmes,

Influençant nos existences

À une appréciable distance,

Déclencheras-tu cette vague

Qui guide le bébé vers de nouveaux rivages ?

L’invitant simplement à quitter sans dommages

Un monde entouré d’eau pour un autre berceau,

L’osmose maternelle pour un autre univers ;

Pour vivre sur la terre un singulier voyage

Et goûter la caresse d’un tendre peau à peau.

Un phare dans la tempête

La vie réserve des moments

Qui nous plongent dans le tourment

Sans que l’on n’y puisse rien faire ;

Le jour où l’un de ses parents

Change soudain de caractère,

En proie à de folles chimères.

L’enfant devient alors parent

De l’adulte de son enfance

Redevenu petit enfant,

Prisonnier de la dépendance,

Perdant ce qui avait forgé

Sa riche personnalité.

Et l’on se retrouve impuissant

Devant la triste déchéance

Qui nous ravit cet être cher,

Bousculé par la fulgurance

De cette descente aux enfers

Pour laquelle on est sans remède.

C’est un douloureux crève-cœur

Qui ne nous laisse pas indemne ;

L’on ne revient pas en arrière

De ce cataclysme intérieur,

Face à l’anéantissement

D’un pilier de sa jeunesse.

C’est la fin de l’âge insouciant

Où l’on se reposait, confiant,

Sur une épaule familière…

C’est un phare dans la tempête

Qu’inéluctablement l’on perd

Et qui nous laisse un goût amer.

Bientôt papa

– À J. –

Devenir bientôt papa
Et pour la première fois,
Dis-moi, cela te fait quoi ?
Éprouves-tu cet émoi ;
L’enthousiasme, la fierté
La douce félicité,
L’inspiration ou le poids,
Que tu n’imaginais pas,
Des responsabilités
Qui t’incombent désormais,
À l’heure d’être papa ?
 
De l’amour, de la tendresse
Pour ce nouveau petit être
Qui grandit de mois en mois ;
Le cœur qui bat ardemment
Quand tu endosses, conscient
Du changement qui t’attend,
Le beau costume de père,
Avant que le charme opère
Et que d’un coup tout s’éclaire,
Le jour de la découverte ;
Quand tu seras nez à nez
Avec l’enfant nouveau-né.

Toc toc, qui est là

– À L. –


Toc toc, qui est là ?
Dans son enveloppe souple
Voilà qu’il se met en boule
Puis commence son yoga,
Étirant jambes et bras ;
Cabossant de haut en bas
Son malléable habitat.
 
Toc toc, je le vois,
De l’autre côté de toi ;
C’est une vie qui palpite
Dans sa capsule utérine,
Inhalant de temps en temps
De ce liquide amniotique
Où il baigne entièrement,
Puis hoquetant comme un grand,
Secoue sans ménagement
Ton corporel édifice.
 
Toc toc, qui vient là ?
Dans cet écrin de velours
Où l’espace s’amenuise
Davantage chaque jour,
Le bébé se stabilise ;
Tête en haut ou tête en bas ?
L’avenir nous le dira.