Un peu d’enfance

– À C. –


Il reste encor un peu d’enfance

Dans tes traits au doux modelé,

Dans tes grands yeux pleins d’innocence,

Dans tes réponses spontanées

Il reste encor un peu d’enfance

Qui joue parfois à cache-cache

Dans l’absolu de ton silence

Ou sur ton front quand tu te fâches

Il reste encor un peu d’enfance

Dans la fossette de ta joue,

Dans le moelleux de ton corps tendre,

Dans tes questionnements jaloux

Il reste encor un peu d’enfance

Dans ton sourire malicieux,

Dans cet appétit d’existence

Que je lis au fond de tes yeux.

Je me souviens de ce moment

– À ma fille –


Je me souviens de ce moment

Si singulier et hors du temps,

Gravé au plus profond de moi ;

Je me souviens de cet état,

De l’inconnu de ce jour-là.

Je me souviens dans un brouillard

D’une salle au blanc carrelage,

De son éclairage blafard ;

Des graphismes oscillatoires

Soulignant nos rythmes cardiaques.

Je me souviens de la fatigue,

Des contractions qui se propagent,

De la douleur qui se dessine,

Du sifflement de la machine

Perçant le silence du soir.

Je me souviens de cette attente,

Des allées et venues fréquentes,

De l’agitation grandissante,

Du souffle court, de la poussée,

Des tremblements incontrôlés.

Je me souviens des à-côtés ;

D’une présence appréciée,

Du bienfait de l’eau brumisée

Dans la bouche et sur le visage,

De l’empathie des sages-femmes.

Je me souviens du temps d’après,

Du sang et des chairs suturées ;

Tant d’efforts, de douleurs, de cris,

Tandis que l’on donne la vie

Du plus profond de l’énergie

Qui précède nos destinées.

Je me souviens d’un corps vanné,

Endolori et méritant,

Rêvant qu’on lui fiche la paix ;

Du cordon qui nous reliait,

Palpitant encor quelques temps.

Je me souviens, c’était si beau,

D’un bébé posé sur ma peau,

La bouche avide de téter ;

Récompense ultime du jour

Et couronnement de l’amour.

Je me souviens, c’est dérisoire,

D’un plateau-repas sur le tard

Savouré comme un grand festin,

Le jeûne stimulant ma faim.

Je me souviens de cette chambre,

Irréelle au bout du couloir

Et, par moments, de cris de femmes

Qui résonnaient dans la nuit noire,

Tel un écho dans le lointain,

Accélérant mon pouls soudain.

Je me souviens de la conscience

Du nécessaire cheminement

Qui mène au rôle de parent ;

De la responsabilité

Assumée devant l’existence,

Qui me suivrait jusqu’à la fin.

Je me souviens de ce berceau,

Prolongement d’une lignée,

Témoin d’une nouvelle histoire,

Où reposait un nouveau-né,

Que je caressais du regard.

Je me souviens de toi, bébé,

Que je contemplais sans y croire,

Entre étonnement et espoir ;

Le plus merveilleux des cadeaux

Que l’on puisse un jour recevoir.