Avoir vingt ans

– À ma fille


Avoir vingt ans aujourd’hui,

Sur une terre qui saigne

Sur une terre brûlée

Ou saccagée par la grêle ;

Où tant de déserts avancent

Et les glaciers disparaissent,

Où la vie meurt en silence

Par l’avidité humaine

Avoir vingt ans aujourd’hui,

Dans la grande mise en scène

Des égos et des profits ;

Dans cette époque obscurcie

Où les mots de pénurie,

De perte d’autonomie,

De cataclysmes, de guerre

S’insinuent dans notre tête

Et gangrènent nos esprits

Avoir vingt ans aujourd’hui,

Et s’émerveiller encor

De chaque petit trésor

Que l’on garde en son écrin ;

L’iris doré d’un félin,

Les mots touchants d’un bambin,

La féerie d’une opale,

La fantaisie d’un lapin

Qui détale et fait des bonds

Puis cherchant la dalle fraîche

S’allonge de tout son long

Dans un total abandon

Avoir vingt ans aujourd’hui

Et s’enthousiasmer toujours ;

Croire en la vie, en l’amour,

À la grâce de l’instant,

Aimer à prendre le temps

Des choses faites soi-même,

Ignorant les injonctions

Des grands donneurs de leçon

Qui ont pourtant laissé faire,

Vivre sa vie au présent

Et s’attacher à ses rêves.

Apparition

– À la mémoire de Rosa –


Une femme souffrante, à la maternité,

Et sous le plafonnier dont la lumière intense

Éblouissait les yeux de cette parturiente,

Est apparu un ange annonçant l’arrivée

Et le prénom donné de son futur bébé

Une mère effrayée par cette apparition

Précédant le docteur répétant au mot près

La prédiction de l’ange, bientôt réalisée ;

Quand elle mit au monde un beau petit garçon

Qui porta le prénom qu’un ange avait soufflé.




Ce poème est dédié à monsieur Hovhannès Haroutiounian qui m’a conté ce récit.

Un peu d’enfance

– À C. –

Il reste encor un peu d’enfance

Dans tes traits au doux modelé,

Dans tes grands yeux pleins d’innocence,

Dans tes réponses spontanées.

Il reste encor un peu d’enfance

Qui joue parfois à cache-cache

Dans l’absolu de ton silence

Ou sur ton front quand tu te fâches.

Il reste encor un peu d’enfance

Dans la fossette de ta joue,

Dans le moelleux de ton corps tendre,

Dans tes questionnements jaloux.

Il reste encor un peu d’enfance

Dans ton sourire malicieux,

Dans cet appétit d’existence

Que je lis au fond de tes yeux.