Esprits d’Halloween

La nappe de brouillard,
Dans la nuit descendue,
A recouvert la ville
De son voile ténu.

Les ampoules alignées
Le long de la ruelle,
Diffusent leur lumière
De guirlande électrique
Des plus énigmatiques,
Dans le halo jaunâtre
Venu des lampadaires.

Dans la brume automnale
Mêlée au marécage
De ces teintes grisâtres,
Danse une ribambelle
D’esprits fantomatiques,
Malicieux et rebelles,
Fins prêts pour Halloween.

Il pleut

Il pleut tout doucement
Sur la ville endormie.
Il pleut, tout simplement,
Sans ruisseau qui serpente,
Sans flaque et sans un bruit,

Ni clapotis qui chante,
Ni lumière qui brille,
L’horizon reste gris.

Les feuillages retiennent
Les gouttes, en rangs serrés,
Les trottoirs sont mouillés…

C’est un mardi d’automne
Comme il y en a tant,
Mais celui-là sans doute
Est un peu différent ;

Chaque petite goutte
Pose sa fraîche bouche
Sur ma joue, tendrement.

Carnac

Nos ombres de géants s’allongent au couchant.
Le soleil brille encore sur la lande bretonne,
Cette terre baignée des celtiques légendes
Que des druides peut-être venus de Brocéliande
Ont bénie autrefois. Là où les korrigans
Font des farces et festoient pendant que les gens dorment.

Pays des pierres debout, mégalithes plantés
Dans les ajoncs piquants encore fleuris de jaune,
Les ronces amarantes et les bruyères roses,
Les souples genêts verts, les blondes graminées,
Les fougères roussies par les feux de l’automne,
Majestueux rochers aux étonnantes formes ;

Chauffés par les derniers rayons de la journée,
Étonnamment dressés par de lointains parents,
Tous ces blocs de granit fièrement alignés
Décorés de lichens patinés par le temps,
Colorés de tons doux, gris, verts, ocres ou blancs,
Donnent de la magie à ces lieux habités
Par les esprits venus tout droit de la forêt,
Des sources, de la terre ou bien du firmament.

Le site est entouré de solides murets,
Pierres sèches assemblées à la terre des allées.
Des arbres bordent aussi ces champs particuliers,
L’astre solaire se perd dans leur feuillage sombre
Et le ciel se colore de marbrures orangées.
Sous l’éther enflammé s’avance la pénombre.

Brouillard

Le brouillard s’est installé
Dans la nuit, à pas feutrés,
Et il a tout effacé ;
Le bruit des moteurs, les voix,
La ville, les rues, les toits,
Ce que d’habitude on voit
Quand on ouvre les rideaux.

Mais ce matin tout est gris,
Dans un silence étouffé,
La lumière se diffuse,
Étrange, comme filtrée
Par ces micro-gouttes d’eau.

Près de la porte-fenêtre,
Sur un mètre de rayon,
Je constate cependant
Que tout est resté intact.

Dans les grandes jardinières
Où se détachent les plantes
Qui peu à peu se pigmentent
D’automnales projections,

Ne restent que les oiseaux,
Qui grattent et fouillent la terre
À la recherche de vers,
Attendant des jours plus beaux.

Automne

S’engouffrer dans l’air pénétrant
Respirer l’humus odorant
S’enfoncer dans les feuilles mortes
Brasser des bruns, des roux, des or

S’imprégner du parfum boisé
Des feux de la fin de l’été
Et rester un instant
À observer le vent
Qui ravive la braise

Fouiller dans son passé
Pour retrouver l’émoi
De ses jeunes années ;
Du premier feu de bois
Des premières veillées,
Et sentir ses joues se mouiller…

S’harmoniser sans faire de bruit
Et ne faire qu’un avec la vie,
Se fondre au monde tout à fait
S’y dissoudre avec volupté
Et disparaître sans un cri.