Hiver au jardin

– À mon père –


Le jardin a passé son manteau de verglas,
Le givre a saupoudré de ses brillants cristaux
Objets et végétaux.
La moindre toile d’araignée,
Simple brin d’herbe, feuille mouillée,
En se parant de glace devient une œuvre d’art.
 
Le grillage a blanchi, pris dans cet air givré.
Les plantes endormies sont figées par le froid ;
Leurs feuilles sont ourlées de festons de glaçons
Qui réhaussent de blanc leurs tiges et bourgeons.
 
L’eau de pluie qui stagnait au fond de l’arrosoir
Ou dans les seaux restés dehors, au potager,
S’est changée dans la nuit en une patinoire.
La terre congelée, durcie telle un caillou,
Trompe les sensations de mes pas quand je marche.
 
L’hiver qui s’installe resserre son étau.
Il me gèle les mains et me bleuit les doigts.
Rares sont les oiseaux qui sortent ce matin,
Osant poser leurs pattes raidies sur les rameaux
Des arbres engourdis ; ils en restent sans voix.

Solstice d’hiver

Le ciel est devenu un peu plus lumineux.
Les nuées anthracites se sont effilochées,
Balayées par le vent qui a tout dégagé ;
Restent quelques moutons un peu éparpillés.

Le mauve peu à peu a remplacé le gris.
Un rai rose et violet traverse l’horizon,
S’élargit à vue d’œil, transmet ses harmonies,
Ses ultimes couleurs avant leur reddition,

Aux cotonneux nuages dispersés dans l’espace
Strié de part en part par un avion qui passe
Laissant derrière lui sa longue traînée blanche,
Voile de mariée dont le contraste tranche
Et met quelques minutes à se désagréger.

À mesure que le ciel s’éclaire, désormais
Les lignes s’accentuent, les teintes se réchauffent ;
Les orange s’estompent et se font saumonés,
Safran, terre de Sienne, beiges ou orangés
Mélangés de gris-bleu, d’écru, de blanc cassé…

Trois nuages tango traversant l’air glacé
Dansent, échevelés, repoussés par le vent,
Bien avant que le jaune arrive, triomphant
Effaçant tout le reste sous sa lumière intense
Qui s’organise et se concentre
En un noyau éblouissant.

L’astre solaire en majesté
Déploie ses rayons alentour ;
La vie peut reprendre son cours…
Le jour est à présent levé
Bien que la lune en son quartier,
Nacrée et transparente,
Soit toujours apparente.

Jour de marché

Le ciel est sans nuage
Bleu comme un jour d’été,
Le froid brûle les yeux
Et picote le nez.

Les autos stationnées
Blanchies par la gelée
Scintillent au soleil
En milliers d’étincelles.

Sur leurs toits alignés,
Un délicat duvet
Savamment hérissé
S’étend, immaculé.

Ces fragiles cristaux
Semblent être dressés
Par l’immense talent
Et l’infinie patience

De ces fées que l’hiver
Dans sa grande puissance
Entraîne dans sa danse
Inexorablement,

Offrant aux lève-tôt
La joie de contempler
L’éphémère beauté
D’un jour de février.