Neige nocturne

Uniformément gris perle
Le ciel opaque s’étend,
Moelleux et enveloppant,
Éclairé des tons pastel
Des clartés artificielles
Que la ville a piquetées
Soigneusement autour d’elle.

Blanches, bleutées, jaune pâle
Ces différentes étoiles
Tombées de la Voie lactée
Scintillent sans se lasser
En éclaboussant d’opale
Ce qui est à leur portée.

En mouchetés concentrés
La neige descend du ciel
Et grignote sans répit
Ce qu’il reste de grisaille
Travaillant vaille que vaille
Sans chercher d’autre alibi
Que son minutieux ouvrage.

Dans la cité endormie,
Recouvrant les paysages
Modelés à son image
D’un étincelant tapis,
Elle règne, souveraine,
Nitescente demoiselle,
Sur cette troublante nuit
Où le noir même est banni.

Hiver

aurore d hiver

C’est l’hiver mon amour

Et la neige en paillettes

A recouvert la terre

De sa douce lumière,

De son brillant velours.

Le ciel n’est plus morose,

Il y a dans la danse

De ces petits flocons

Une sorte de joie

Contenue, maladroite,

Légère et tournoyante.

Dans la pâleur du jour

Ces cristaux doux et froids,

Moelleux pompons d’ouate

Sortis de l’oreiller

Rebondi des nuages,

Se trouvent éparpillés

Et jouent, irréguliers,

Sur le gris des façades.

Un matin de janvier

Si tu viens avec moi un matin de janvier
Si tu te lèves tôt et que tu vas dehors ;
Tu verras le ballet des nuages pressés,
Sur les murs des immeubles, parfois, des reflets d’or,
Les voilages obscurs qui cachent le soleil,
Les trouées de lumière qui déchirent le ciel
Luttant pour que le jour l’emporte sur la nuit.

Tu verras que le rose peut se mêler au gris
Derrière les arbres nus du stade déserté,
Et la métamorphose de la nature aussi,
Troublée par l’embellie de ce temps décalé ;
Les plantes endormies et celles qui s’éveillent
Trompées par un regain de douceur, et la pluie…
Un printemps qui pourtant n’est pas d’actualité
Mais qui me convient bien quand je pars travailler,
Qui apaise mon cœur, m’inspire et m’émerveille.

Première neige

La première neige est tombée         
Sous le soleil des lampadaires ;
Pas les quelques petits flocons
Qui voltigeaient le midi même
Mais de gros morceaux de coton,
Comme si le vaste édredon
Des cieux perdait son garnissage
Et se défaisait le tissage
Enveloppant les oreillers
Et les couettes du monde entier,

De la plume jusqu’au duvet,
De la plumette à barbes libres
À la plumule si gracile
De l’eider, du canard, de l’oie
Fondant sur le bout de nos doigts,
En avalanche toute blanche
Hypnotisante et apaisante.

Ils étaient de toutes les tailles,
De toutes les formes possibles ;
Une myriade de cristaux
Assemblés dans la large gamme
Qui va du petit au plus gros,
Dans une tempête très calme
Aux longues envolées gracieuses,
Digne, paisible et silencieuse.

Éclairant son tendre minois,
Le nez collé à la fenêtre
Clémence a exprimé sa joie,
Heureuse d’être de la fête
Et d’admirer le doux ballet
Si féerique de la neige.

Elle a crié son impatience
D’aller dehors en profiter
Comme au temps de sa prime enfance ;
Les larmes coulaient sur sa joue
D’un bonheur qui n’était pas feint.
La neige était au rendez-vous,
C’était plus important que tout !
Elle a tenu jusqu’au matin.

Gel

Des branchages de givre décorent les pare-brises ;
Des semis de lichens étendent leurs réseaux
Et partagent les vitres avec ces végétaux
Que le verglas dessine. Sur le toit des autos,
Élégamment scintillent des tapis de cristaux.

L’eau saisie par le froid brille d’un nouvel éclat ;
Des bulles d’air piégées sous la couche de glace
La rendent plus opaque, et ces flaques gelées
Se brisent par endroit, s’effritant sous mes pas
Dans un craquement mat.