– À Hovhannès Haroutiounian –
Ils ont abandonné tout ce qu’ils possédaient,
Les tombes de leurs pères, la terre où ils vivaient,
Ces lieux qui leur offraient l’éther et l’empyrée,
Cheminant jour et nuit sans boire ni manger
Dans ce désert brûlant où tant d’autres périrent,
Innocentes victimes aveuglément broyées
Par la sauvagerie et la cupidité.
Survivant aux massacres lâchement perpétrés,
Unis dans la douleur et la nécessité,
Ils ont fui leur patrie si tendrement aimée,
Gagnant d’autres contrées pouvant les accueillir,
Avec pour tout bagage leurs profondes racines.
De là, sans ménager leur peine ni leur vie,
Ils se sont adaptés aux règles du pays,
Enrichissant leurs hôtes de solides valeurs,
De multiples talents, de généreux esprits,
De l’immense héritage de siècles de labeur,
Avec reconnaissance, courage et empathie.
Ces êtres malmenés, condamnés à l’exil
Par d’autres qui n’ont pas leur antique culture
Mais détruisent la leur au fur et à mesure
En déformant l’Histoire au gré de leurs envies,
Poursuivant aujourd’hui tous ces crimes qu’ils nient,
Au nez et à la barbe d’une Europe assoupie
Incapable d’aider un peuple dit « ami »
Se battant comme un lion contre la perfidie ;
Ces êtres rescapés de tant d’atrocités,
Ayant pris pour beaucoup le parti de se taire,
Ont planté autour d’eux quelques petites graines,
Laissant leurs descendants gérer l’ignominie
D’actes qui en feront, avec leurs cicatrices,
Des personnalités éprises de justice
À l’acuité de l’aigle veillant sur ses petits,
Sans jamais oublier leur pays d’origine
Et gardant avec lui des liens indéfectibles.

Poème inspiré par l’œuvre du peintre Hovhannès Haroutiounian :
Les bannis, huile sur toile, 41 x 27cm, 2023.